Le MOLOCH biblique et les sacrifices d’enfants – Mythoscopia

Le MOLOCH biblique et les sacrifices d’enfants

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« Un feu d’aloès, de cèdre et de laurier brûlait entre les jambes du colosse. Ses longues ailes enfonçaient leur pointe dans la flamme ; les onguents dont il était frotté coulaient comme de la sueur sur ses membres d’airain. Autour de la dalle ronde où il appuyait ses pieds, les enfants, enveloppés de voiles noirs, formaient un cercle immobile ; et ses bras démesurément longs abaissaient leurs paumes jusqu’à eux, comme pour saisir cette couronne et l’emporter dans le ciel. (…)
Les bras d’airain allaient plus vite. Ils ne s’arrêtaient plus. Chaque fois que l’on y posait un enfant, les prêtres de Moloch étendaient la main sur lui, pour le charger des crimes du peuple, en vociférant : Ce ne sont pas des hommes, mais des bœufs ! et la multitude à l’entour répétait : Des bœufs ! des bœufs ! Les dévots criaient : Seigneur ! mange ! et les prêtres de Proserpine, se conformant par la terreur au besoin de Carthage, marmottaient la formule éleusiaque : Verse la pluie ! enfante ! (…)
Cependant, l’appétit du Dieu ne s’apaisait pas. Il en voulait toujours. Afin de lui en fournir davantage, on les empila sur ses mains. »
Gustave Flaubert « Salammbô » – Chapitre 13 – MOLOCH

C’est ainsi que Flaubert dans son roman Salammbô, décrit les sacrifices d’enfants carthaginois au dieu Moloch Mais ce dieu sibyllin et sanguinaire ne provient pas de la fructueuse imagination de l’écrivain mais bien d’un autre ouvrage, la Bible.

INTRODUCTION

Si la pratique des sacrifices humains est plus que probable dans le Levant antique, elle n’a cependant rien à voir avec les sacrifices à la chaîne d’Amérique du sud par exemple. Néanmoins il apparaît que la majorité des sacrifices s’appuyait sur la mise à mort de prisonniers de guerre ou d’esclaves.
Mais la Bible mentionne un sacrifice bien particulier, celui des premiers nés qui semble un recours extrême, Si Abraham est prêt à un tel acte par dévotion, les cananéens, dont les israélites, le pratiquaient plus par dépit. Il était comme un ultime appel désespéré à leurs dieux en temps de guerre ou de grandes famines, Et malheureusement la région était un grand foyer de conflits et sujette à la sécheresse, Ainsi les sacrifices humains, dont celui des nouveaux nés/premiers nés, pouvaient avoir un but propitiatoire, expiatoire ou purificateur.
Mais cette pratique s’estompa avec le temps. Car en effet il est aisé de comprendre que les cananéens, ne voyant aucun résultat, préférèrent stopper un sacrifice si coûteux pour si peu de bénéfices,
Les sacrifices sanglants, en général, dans le monde antique, étaient principalement exécutés par le feu. La fumée qui montait ainsi vers les cieux devait être agréable aux dieux afin d’obtenir leurs faveurs et leur satisfaction. Un procédé que l’on retrouve notamment dans les mythes grecs comme dans les testes des religions abrahamiques, Les sacrifices humains ne dérogeaient pas à la règle, Il est étonnant de penser que les dieux trouvaient agréables l’odeur d’un enfant brûlé vifs.
L’origine de ces sacrifices humains semble remonter au paléolithique inférieur selon Vincenzo Formicola, « Current Anthropology », vol. 48, n°3, Juin 2007 De même l’archéologie atteste de tels usages, allant jusqu’à l’anthropophagie ritualisée,
Dans la région de la Mer Noire, identifiées avec la Tauride ancienne et la Crimée actuelle, des nécropoles remontant au IIIème millénaire AEC attestent de sacrifices humains. Tout comme des fouilles archéologiques, menées par J,-B, Hennessy, ont mis à jour des traces de sacrifices humains et d’animaux dans un temple à Amman aux alentours de 1400-1250 AEC. De mêmes preuves de sacrifices humaines furent collectées dans des puits sacrificiels gaulois.
Malgré les sources archéologiques, les auteurs antiques sont peu nombreux à relayer ces sacrifices humains. Parmi eux citons les récits de Tite Live qui, dans son Histoire Romaine, nous narre l’existence de sacrifices humains à Rome en 216 AEC ou ceux de Plutarque qui mentionnent le sacrifice de masse de prisonniers Perses en l’honneur de Dionysos avant la bataille de Salamine. Mais nulle autre source n’en fait mentions si ce n’est pour le contredire.
Plutarque qui d’ailleurs, s’appuyant probablement sur Diodore de Sicile, décrit un sacrifice bien singulier, celui d’enfants, dédié à Baal Hammon à Carthage. Ce dieu phénicien provenant de la Syrie-Palestine,pourrait faire écho à celui de la Bible, le dieu Moloch. Mais comment une telle divinité peut elle apparaître dans le texte sacré ?
Nous allons déterminer le culte qui lui est dédié dans la Bible, son historicité ainsi que son impact dans les mythes et légendes.

1,LE MOLOCH BIBLIQUE

1,1 Son culte dans le récit

Offrande à Moloch

Si l’on se réfère exclusivement aux récits lacunaires bibliques pour définir le culte de Moloch et ses caractéristiques, nous pouvons le résumer de la façon suivante.
Suite à la destruction de Sodome et Gomorrhe par le feu purificateur de YHWH, Loth et ses deux filles, seuls rescapés du cataclysme, se retirèrent dans une grotte, Là, les deux adolescentes s’adonnèrent à l’inceste afin d’obtenir une descendance de leur père. Elles donnèrent ainsi naissance aux peuples des moabites et des ammonites. (Gn 19) Puis, dans leur capitale de Rabbath-Ammon (de 3.11) en Arabie Pétré, ces peuples auraient voué un culte au feu et y auraient sacrifié des nouveaux nés au dieu qui lui était associé, Ammon. Cette cité se situait sur l’actuelle Amman en Jordanie où des fouilles ont mis à jour des traces de sacrifices humains, comme évoqué précédemment. Ensuite, par des procédés que nous allons tenter de décrypter, Ammon devint Molek, Milkom et enfin Moloch, dans la version grecque de la LXX, Suite à cela le culte de Moloch se serait étendu, s’implantant en Canaan et étant même vénéré par les judéens dont les rois Achaz (2 Roi 16.3) et au VIIème siècle. AEC Manassé (2 Roi 21.6) qui lui sacrifièrent leurs propres fils, Ce dieu aurait été vénéré dans la vallée de Ben-Hinnom, dénommée Géhenne, au lieu appelé Tophet, à proximité immédiate de Jérusalem. (Jeremie 32,35 : 7.31 : 19.6 et 19.11-13).

« ils ont érigé le tumulus de Baal dans le ravin de Ben-Hinnom afin de faire passer, pour Molek, leurs fils et leurs filles par le feu ; cela, je ne l’ai jamais demandé et je n’ai jamais eu l’idée de faire commettre une telle horreur pour faire dévier Juda. » Jérémie 32,35

Dans ce passage il paraît clair que la divinité destinataire du sacrifice est Baal et que ce sacrifice se nomme molek, Aucune trace d’un dieu Moloch ou Molek donc, Même conclusion avec 2 Chroniques 28.2-4. A noter que la Géhenne fut associée par la suite à un lieu de tourments assimilable aux enfers notamment par Matthieu (Matt 5.29) et dans la tradition rabbinique.

Puis cette pratique se vit interdite et devint tabou après la réforme de Josias fin VIIème-début Viième siècle AEC (2roi 23,10). Le lieu devenant alors la décharge de Jérusalem et son incinérateur. Encore une marque de dépréciation que nous retrouverons dans l’étymologie même. Cette condamnation se retrouve dans la métaphore du sacrifice d’Isaac ou directement à l’initiative de YHWH cette fois-ci dans lev 20,2-5

Mais on constate bien que dans ce texte, comme en Jeremie 32,35, le terme de molek désigne un type de sacrifice, Comme on dirait livrer quelqu’un au feu, ou le passer par le fer ; ici c’est au molek ou par le molek. Néanmoins dans certaines traductions et dans la tradition rabbinique, le molek est personnifié et se nomme Molek ou Moloch dans le texte grec.
Donc, si l’on se fit à ce textes du lévitique, il pourrait bien avoir eu précédemment des sacrifices pour YHWH et ce même dans son sanctuaire ! Pire ils sont directement évoqués à l’initiative de YHWH qui, comme dans le récit du sacrifice d’Abraham, demande à ce qu’on lui sacrifie le premier fils ! Comme en Michée 7.6-8

« 6 Avec quoi me présenter devant le SEIGNEUR, m’incliner devant le Dieu de là-haut ? Me présenterai-je devant lui avec des holocaustes ? Avec des veaux d’un an ?
7 Le SEIGNEUR voudra-t-il des milliers de béliers ? des quantités de torrents d’huile ? Donnerai-je mon premier-né pour prix de ma révolte ? Et l’enfant de ma chair pour mon propre péché ?
8 On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR exige de toi : Rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité et t’appliquer à marcher avec ton Dieu. »

Ou encore en Exode 13.2

« Consacre-moi tout premier-né, ouvrant le sein maternel, parmi les fils d’Israël, parmi les hommes comme parmi le bétail. C’est à moi. »

Yhwh demande bien ici des sacrifices des prémices dont les fils des hommes que l’on retrouve également, de façon plus explicite, en Exode 22.28-29

« 28 Tu ne livreras pas à d’autres tes fruits mûrs et la coulée de ton pressoir. Tu me donneras le premier-né de tes fils.
29 Tu feras de même pour ton boeuf et pour tes moutons : il restera sept jours avec sa mère ; le huitième jour, tu me le donneras. »

Mais ce sacrifice du premier-né évolue et la substitution est possible comme nous l’explique Exode 13.12-15.

« tu feras passer au SEIGNEUR (tout comme on disait faire passer au molek donc) tout ce qui ouvre le sein maternel et tout ce qui ouvre la matrice du bétail qui t’appartient : les mâles sont au SEIGNEUR !
13 Tout premier-né des ânes, tu le rachèteras par un mouton. Si tu ne le rachètes pas, tu lui rompras la nuque. Tout premier-né d’homme parmi tes fils, tu le rachèteras.
14 Alors, quand ton fils te demandera demain : “Pourquoi cela ? ”, tu lui diras : “C’est à main forte que le SEIGNEUR nous a fait sortir d’Egypte, de la maison de servitude.
15 En effet, comme le Pharaon faisait des difficultés pour nous laisser partir, le SEIGNEUR tua tout premier-né au pays d’Egypte, du premier-né de l’homme au premier-né du bétail. C’est pourquoi je sacrifie au SEIGNEUR tout mâle qui ouvre le sein maternel, mais tout premier-né de mes fils, je le rachète.”

Tout comme en Exode 34.19-20

« Tout ce qui ouvre le sein maternel est à moi. Ainsi, de tout ton troupeau, tu feras l’occasion d’un mémorial, que ce premier-né soit du gros ou du petit bétail.
20 Mais, un premier-né d’âne, tu le rachèteras par un mouton ; si tu ne le rachètes pas, tu lui rompras la nuque. Tout premier-né de tes fils, tu le rachèteras. Et on ne viendra pas me voir en ayant les mains vides. »

Certains verront le remplacement du sacrifice par l’acte de circoncision qui pourrait symboliser ce don de la chair du premier fils au dieu YHWH.
Et enfin cette pratique réapparut malgré l’interdiction, ce contre quoi s’insurgèrent les prophètes (Jer 7:30 19:5 32:35, Eze 16:20 23:39, Esa 57:5) et elle fut à nouveau interdite par la législation Deutéronomique (De 12:31 18:10, Le 18.21 :20:2-5).
Puis dans les textes, le YHWH biblique se dégrève totalement de telles pratiques et ce qui ne peut être fait au nom de YHWH, le nouveau dieu unique, ne peut être fait qu’au nom d’un de ses opposants, ici le dieu Moloch créé pour l’occasion. Toute l’ironie de vouloir façonner un dieu unique et de créer d’autres dieux pour justifier et revêtir ses aspects sombres.
Mais on voit bien dans ces textes que la divinité destinataire et commanditaire de ces sacrifices du premier-né est clairement YHWH, nulle mention de Moloch. Les deux entités ne faisant qu’une, moloch étant donc la part sombre de YHWH qui fut créée pour détacher les sacrifices d’enfant du dieu unique israélite.
Toujours dans la Bible on retrouve ces mêmes sacrifices du premier-né dans le cadre d’une guerre. Ainsi le roi Moabites Mésha sacrifie son fils unique pour défaire les israélites. C’est le sacrifice ultime de donner son premier fils à un dieu dont parle le prophète Michée (Michée 6:6-7) et que sublimera le sacrifice d’Isaac.

Offrande à Moloch, Charles Foster

Mais dans les récits bibliques les descriptions sont lacunaires concernant le molek et le culte de Moloch. Comme souvent les textes apocryphes ou de la tradition rabbinique nous en apprennent d’avantage. Ainsi le moloch y est décrit comme un dieu représenté par une statue de bronze ou d’airain à la tête de taureau les bras tendus. Certaines sources rabbiniques précisant même que la statue étaient perforées de sept compartiments recueillant chacun une offrande spécifique. Mais toutes avaient un point commun, il s’agissait de prémices, que ce soit les premières moissons ou des nouveaux nés animaux ou humains.

Mais avant de poursuivre notre investigation il paraît essentiel de déterminer l’origine du terme de Molek qui donna celui de Moloch.

1.2 Étymologie

Ce terme, en tant que Moloch/ Μολὸχ , n’apparaît que dans la bible LXX, c’est à dire la traduction grecque de l’ouvrage datant du IIIème siècle. AEC, ainsi que dans des traductions qui s’appuient dessus.
Dans le texte massorétique, la version hébraïque de la Bible (rédigé entre le VIIème et le XIème siècle), il se nomme mōlekh, מֹלֶךְ .
Mais le terme n’est employé en lien direct avec le sacrifice que dans : Lv 18,21 ; 20,2-5 ; 2 R 23,10 ; Jr 32,35.
En ce qui concerne Moloch, n’ayant pas d’existence extra biblique ni d’origine connue ou de sémantique précise, il semble avoir été créé à partir du terme hébreu. Ce dernier est né de la vocalisation (débutée courant des VIème-VIIème siècles de notre ère) de la racine ouest sémitique MLK מלך, Les écrits hébreux ne comportant pas de voyelles, ces dernières leur furent ajoutées pour mieux prononcer les mots, Le terme MLK donna initialement Mélekh מֶלֶךְ  qui signifierait « roi »,
Puis, au terme initial de MLK furent ajoutées les voyelles du dépréciatif boshèth qui caractérisent la honte ou l’abomination. Cet ajout péjoratif est employé pour dévaloriser certains noms, Ainsi mélekh, dans le texte hébreu devint molêkh מֹלֶךְ quand il se rapporte au sacrifice et lorsqu’il ne s’agit pas d’un roi. Enfin, normalement… Car, nous allons le constater, les règles dans la Bible ne semblent faites que pour être enfreintes.

Moloch

Le terme Moloch donc ne serait qu’une interprétation et ce, nous allons le voir, dans un but bien précis. Il serait créé pour personnifier le terme de molek sans doute pas assez explicite et distinct du culte de YHWH. Le tabou du sacrifice devant être incarné pour mieux être compris et combattu.
Mais très souvent mélekh, molêkh ou d’autres dérivés se confondent ou se mélangent dans les textes bibliques.
Normalement et logiquement les termes issus de la racine MLK מלך devraient donner ces traductions :
Mélekh מֶלֶךְ  = roi
Molêkh מֹלֶךְ = sacrifice ou dieu qui lui serait associé
Moloch Μολὸχ  = dieu Molek dans la LXX
Milkom = dieu ougaritique/cananéen
Mal’âkh מַלְאָךְ = messager ou ange.

Mais, nous allons le voir ce schéma n’est pas tout le temps respecté. Voir même jamais. Quoiqu’il en soit l’origine de ces termes semble liée au mot « roi ».

De plus dans la bible Yhwh est souvent qualifié de roi, de mélekh et ce terme était usité par les cananéens pour désigner les dieux en général.
Tout comme pour Baal/bel ou El, mélekh semble désigner le roi ou les dieux. Ainsi on le retrouve dans mélekh – quart qui donne le dieu phénicien Melkart qui signifie « le roi de le ville » Le même procédé est employé pour Melki Resa/melchiresa ou Milkom par exemple ou encore probablement Melqati ou Mekal le dieu de Beth-Shan selon Henry O. Thompson « Mekal: The God of Beth-Shan », Brill archives, 1970

Ce mécanisme voudrait qu’ici les sacrifices au nom de mélekh, donc le roi des dieux, Baal ou YHWH par syncrétisme, se transforment en des sacrifices pour un autre dieu créé pour l’occasion Moloch ou Molek, D’un nom commun on passerait ainsi à un nom propre. Même processus que pour les noms de Baal et El.
Pour les rédacteurs sacerdotaux et plus précisément post-exiliques, il était inenvisageable d’octroyer des sacrifices d’enfants au YHWH qu’ils venaient de créer par syncrétisme, Un dieu unique se devait d’être bienveillant. Je vous renvoi a nos vidéo sur YHWH pour mieux appréhender ce syncrétisme

Pour résumer, le terme original était MLK auquel on ajouta des voyelle pour former mélekh ou melek qui fut déprécié et devint molêkh ou molek en lien avec le sacrifice d’enfant et enfin qui fut traduit en Moloch dans les textes grecques. Moloch ne serait donc qu’une interprétation et une personnification du molek.

1.3, Occurrences et mélanges des termes
Molek apparaît de nombreuses fois dans la bible hébraïque que ce soit
dans le Lévitique, le Livre des rois ou encore chez Jérémie par exemple. On le retrouve même dans le nouveau testament (actes etc)

Mais comme toujours avec la Bible, nous allons être confrontés à deux problèmes majeurs : Le sens donné aux écrits originels, écris en hébreu donc et qui laissent une grande place à l’interprétation
et le remaniement des textes par les différentes mains entre lesquelles ils passèrent. Il est certain que les textes qui nous sont parvenus sont loin d’être les mêmes que ceux originellement rédigés..
Un bon exemple se trouve en Amos 5,26.

Amos 5,26 jerusalem
« Vous emporterez Sakkut, votre roi, et l’étoile de votre dieu, Kevân, ces images que vous vous êtes fabriquées ; »

Amos 5,26 Segond

« Emportez donc la tente de votre roi, Le piédestal de vos idoles, L’étoile de votre Dieu Que vous vous êtes fabriqué! »

Amos 5,26 TOB

« Mais vous avez porté Sikkouth, votre Roi, et Kiyyoun, vos images, l’étoile de vos dieux, que vous vous êtes faits. »

Alors que dans la LXX Moloch apparaît comme par magie et n’a rien à faire là
Amos 5,26 LXX

« Vous avez élevé le tabernacle de Moloch, et l’étoile de votre dieu Raiphan, et leurs images que vous aviez fabriqués. »

Et ce Texte est repris dans le nouveau testament :
ACTES 7,43 Toutes versions

« Vous avez porté la tente de Moloch et l’astre de votre dieu Rephân, ces images que vous avez faites pour les adorer. Aussi vous déporterai-je au-delà de Babylone. »

Le texte des actes s’appuie donc sur la version grecque. Dans une même Bible donc, qu’elle soit la Segond, la TOB ou la Jerusalem, nous sommes en présence de deux versions contradictoires pour un même récit.

On retrouve un amalgame entre le terme de roi. Vous remarquerez que dans de nombreuses versions de la Bible certains mots sont parfois traduits et d’autres fois ne le sont pas. Ainsi dans un même verset on peut avoir la version francisée d’un terme qui côtoie sa version en hébreu. Parfois même le terme reste celui hébreu, le traducteur ne sachant peut être pas quel terme utiliser ou dans l’embarras d’un conflit idéologique.
Ainsi en Esai57,9

« Tu as dévalé vers mélek avec de l’huile, tu as prodigué tes parfums, tu as envoyé tes délégués jusqu’au loin, tu te rabaisses ainsi jusqu’au séjour des morts. »

Ce texte sibyllin est à mettre en parallèle avec celui de 2 Chroniques 28.2-4. On y parlerait bien du Molek mais le terme ici garde sa forme initiale de roi. On voit donc bien que tous les termes se mélangent aisément.

Ce Moloch donc fut inventé pour personnifier ces sacrifices et dû s’appuyer sur des divinités connues et auxquelles on vouait un culte afin de rendre crédible son existence.

2. LE MOLOCH HISTORIQUE

2.1 De Baal à Moloch
Certains théologiens/exégètes voir même historiens, acceptent l’existence d’un culte à Moloch, qu’ils assimilent pour certains à l’Ammon des ammonites et à l’Amon égyptien Ainsi il serait représenté comme son homologue égyptien avec une tête de bélier. Mais cette hypothèse ne se base sur rien de concret ne fut-ce sur le nom d’Ammon et son origine.

Baal

Cependant Moloch est assimilé au dieu cananéen Baal/bel (en akkadien) que ce soit dans les textes ou dans le culte.
Baal était vénéré dans tout le Levant, dans la zone Syro-Palestinienne par les cananéens dont les israélites et les phéniciens (peuple occupant le Liban actuel entre 1200 et 300 AEC). Chez ces derniers il tend jusqu’à l’hénothéisme après son exportation vers Carthage aux Ixème-VIIIème siècles AEC sous le nom de Baal Hammon. Ce dieu initialement dieu solaire, puis de l’orage, de la guerre et enfin de la fertilité connut divers cultes étant même assimilé à Seth chez les égyptiens ou à Cronos chez les grecs et Saturne chez les romains.
Ce dieu complexe possède un lien particulier avec YHWH. Tantôt il lui est assimilé, tantôt ils sont vénérés côte à côte et d’autres fois ils sont opposés. Mais Yhwh serait probablement la version israélite de Baal. En effet à Kuntillet Ajrud, dans l’ancien royaume de Juda, une gravure de YHWH le représente avec une tête de taureau accompagné de sa parèdre Ashera qui était également la parèdre de Baal. Donc Yhwh était probablement et grossièrement la version israélite de Baal avec l’apport des shasous (référez-vous à nouveau à nos vidéos sur Yhwh).
Issu du panthéon ougaritique (IIIème millénaire AEC) Baal est fils de EL et se voit porter progressivement au rang de dieu principal du panthéon cananéen. Une vidéo lui sera consacrée dans le futur tant son culte et son histoire sont riches.

Baal et Yhwh revêtent souvent les mêmes attributs de dieux de la pluie (fertilité) et de l’orage (guerre). Ils semblent en concurrence chez les israélites à partir du VIIème siècle AEC, même si le constat est moins défini que cela. Je vous renvois encore une fois à nos vidéos sur les origines de YHWH pour mieux comprendre tous ces mécanismes. Pour faire simple si Baal et Yhwh étaient tous deux vénérés par les cananéens dont les israélites, après la création de la Bible et les réformes qui l’accompagnèrent, Baal ne devait plus être associé au nouveau YHWH. Ainsi une partie de son culte fut absorbée par le nouveau dieu unique YHWH et le reste forma le
Baal personnifiant l’ennemi du judaïsme ou les dieux étrangers dans la Bible. Il servit alors de bouc émissaire concentrant tout ce qui s’oppose à la croyance en YHWH le dieu unique.

Baal devint alors le représentant de la lutte idéologique interne aux israélites, entre les réformateurs sacerdotaux cherchant à imposer le YHWH unique, et ceux perpétuant le culte traditionnel et les rites qui lui sont associés. C’est pour quoi il faut voir une fracture entre le Yhwh du panthéon cananéen et celui de la Bible qui mettra d’ailleurs du temps à s’imposer et à supplanter les autres cultes.

Baal

Le nom Baal donna naissance à diverses divinités dans le levant telles que Baal-Azor, Baal-Berith,Baal-Bek, Baal-Samin mais aussi Baal-phégor ou Baal-Zebub qui donnèrent Belphégor et Belzébuth des démons princes des enfers dans la démonologie chrétienne sur laquelle nous reviendrons plus tard, De même les démons Baal Bael et Bélial ne sont en fait que des traductions en différentes langues antiques de Baal. Moloch/Molek connut le même sort. De plus Molek étant un dérivé du terme de roi, il sied à ravir au roi des dieux.cananéens, fils de El. En fait El, Baal Molek et Yhwh ont sans doute le même sens de roi/seigneur. Si le tétragramme YHWY ne semble avoir aucun sens, ce dieu est nommé Adonai (seigneur) et dans les traductions YHWH est remplacé directement par ce terme de seigneur.

Mais ici nous sommes dans la fiction car le culte de Moloch n’a probablement jamais existé en tant que tel historiquement parlant. Il pourrait en effet s’agir d’une construction des auteurs bibliques et n’aurait aucune existence extérieur à ces récits.
Mais le culte de Baal, lui, est bien attesté et il revêt les mêmes symboles. Sans doute donc, en toute logique, l’ont peut penser que Moloch est en fait Baal, donc une part du YHWH biblique.

De plus attardons nous un instant sur ce qui pourrait être un détail. Les dieux étrangers à Yhwh sont nommés les baals dans la Bible ou les baalim. (juge 2.11 10.10 ; Osée 11.2-3 1 Rois 16.31) tout comme le panthéon ougaritique dominé par El était composé des dieux nommés les elohim. Comme je le développe dans la vidéo consacrée aux nephilim et au mythe des géants, la terminaison en im est significative d’un pluriel. Hors dans la Bible Yhwh est très souvent nommé elohim, ce nom devenant alors un singulier. On voit bien ici la mutation de ce terme pluriel, le yhwh pré-biblique faisant partie des elohim donc un parmi d’autres. Mais comme il devient un dieu unique il devient tous ces mêmes elohim. Comme par exemple Thor étant un des dieux asgaardiens, et qu’on le nommerait « l’Asgardiens ».

Mais l’étude de Moloch et par extension des sacrifices d’enfants, le molek, nous est surtout possible grâce à l’héritage archéologique de Carthage et dont les récits se référant aux cultes qui y furent pratiqués sont la principale source d’étude.

2.2 Le MOLK carthaginois

A Carthage le Baal Hammon phénicien semble être, selon les récits, une divinité chthonienne du feu et de la fertilité au corps d’homme et à la tête de taureau à laquelle on sacrifiait des nouveaux nés en temps de crise.
Nous est parvenu le récit de Diodore de Sicile (Ier siècle AEC) narrant un de ces sacrifices lors d’un sombre épisode au sortir de la première guerre punique en 241 AEC . Lors de cette guerre, qui opposa Carthage à des mercenaires, la cité fut assiégée. Les habitants privés alors d’approvisionnement en eau potable durent s’en remettre à leur dieu Baal Hammon pour qu’il les sauve. Afin d’obtenir son aide, les élites revinrent aux anciens rites et sacrifièrent leurs premiers-nés dans le tophet. Le même terme donc que dans la Bible. Selon l’auteur plusieurs centaines d’enfants subirent ainsi ce funeste sort. C’est sans doute le texte sur lequel s’appuya Flaubert pour son Salammbô et dont s’inspira Plutarque.

Diodore de Sicile  La Bibliothèque historique, XX, 14

« Il y avait une statue d’airain représentant Saturne, les mains étendues et inclinées vers la terre, de manière que l’enfant, qui y était placé, roulait et allait tomber dans un gouffre rempli de feu. »

Dans un texte de Plutarque, Cronos est assimilé à Baal Hammon et fait écho au mythe grec dans lequel ce titan dévore ses enfants comme il dévore ici ceux des carthaginois,

Plutarque (1er siècle.) De la superstition, XIII :

« Les Phéniciens, lors des grandes calamités que sont les guerres, les épidémies ou les sécheresses, sacrifiaient une victime prise parmi les êtres qu’ils chérissaient le plus et qu’ils désignaient par un vote comme victime offerte à Cronos. »

Des écrits plus tardifs compléteront ces récits, comme le Yalkut Shimoni, un recueil de textes rabbiniques ou les écrits de Rashi, rabbin et exégète du 11ème siècle, dans lesquels le tophet y est décrit plus précisément.Mais Diodore de Sicile et Plutarque sont les deux seuls auteurs antiques traitant de ce sujet directement.
Il apparaît ainsi qu’il pourrait s’agir d’un procédé visant à salir l’image de Carthage alors ennemi de Rome. C’est d’ailleurs un des principaux arguments avancés par des opposants au passé sombre des carthaginois.

Tophet de Carthage

Pourtant il existe bien un tophet à Carthage dédié au couple Tanit et Baal Hammon , à l’instar du tophet biblique de la Géhenne dédié à Baal/Moloch.
Un débat quasi idéologique divise alors les historiens quant à la nature de ces tophets. Si certains n’y voient qu’un lieu de sépulture, de nombreux indices tendent à prouver qu’il s’agissait d’un sanctuaire dédié à Baal et Tanit adjoint d’un espace de crémation sacrificielle..
Les fouilles archéologique entreprises par Otto Eissfeldt en 1921 et la série d’autres qui suivirent, ont mis à jour dans le tophet de Carthage un double office religieux qui serait soit votif ou soit funéraire. On découvrit ainsi des stèles votives (dédicaces à un dieu, offrandes ou demandes particulières) ainsi que des ossements carbonisés de nouveaux-nés et possiblement de prématurés,
Les inscriptions sur les stèles qui sont très majoritairement votives ou la présence de restes d’animaux brûlés renforcent cette idée de sacrifices. En effet que feraient ils donc dans une nécropole dédiée à des enfants ? Alors qu’ils ont toute leur place dans un sanctuaire d’offrandes et de sacrifices de substitution. Sans doute venait on y demander des faveurs aux dieux selon le principe du donnant-donnant, le do ut des («Je donne pour que tu donnes”). On retrouve par exemple une inscription sur une stèle datée de la période Tanit II (du VIème au IIIème siècle AEC) : «A notre dame, à Tanit … et à notre seigneur, à Ba’al Hammon, ce qui a été promis.”
Et plus la demande était grande plus l’offrande devait être à la hauteur.
De plus l’épigraphie révéla également le terme de MOLK qui apparaît à de multiples reprises sur les stèles. Cette inscription désignait une offrande sans doute sacrificielle. Le terme de molk, issu probablement de la racine mlk, ne désignerait ici ni un roi ni un dieu mais bien le sacrifice lui-même. C’est à partir de ce constat que certains concluront que le molek cananéen, ancêtre des sacrifices carthaginois, suivrait le même schéma, mettant ainsi fin à l’existence du Moloch biblique.

Mais certains archéologues et historiens, dont Piero Bartoloni, affirment l’inexistence des sacrifices d’enfants dans le monde punique. Bartoloni explique les sépultures d’enfants comme une résultante de la forte mortalité infantile et des morts nés. Dans la même optique, certains argumentent que beaucoup de nourrissons, voir des fœtus, étant présents parmi les ossement, ceci écarterait l’hypothèse du sacrifice mais démontrerait plutôt un statut particulier des nourrissons décédés. Ces derniers seraient ainsi inhumés dans le sanctuaire de Ba’al Hammon et Tanit dans un souci de retourner l’enfant à son créateur, une sorte de SAV avec retour du produit défectueux dans l’espoir qu’il soit repris et échangé.
Les analyses scientifiques n’ont pas pu déterminer, à ce jour, la raison de ces décès d’enfants qui pourtant semblaient sains avant leur crémation.

Porileus brûlé dans le taureau de Phalaris

On peut également mettre ces récits en parallèle avec le supplice du taureau d’airain du tyran Phalaris en Sicile au VIème siècle AEC. Cet instrument de torture était, comme son nom l’indique, un taureau métallique, creux, dans lequel on enfermait un condamné avant de chauffer le métal jusqu’à ce que le supplicié brûle vif. Ce supplice semble attesté, notamment par Pindare dans ses odes, et pourrait s’être étendu à d’autres régions. Diodore de Sicile, comme son nom l’indique étant de Sicile, il aurait bien pu faire une transposition. Mais certains historiens au contraire pensent que c’est une preuve du déplacement de cet instrument de torture que les Carthaginois auraient ramené dans leur cité après la prise de la Sicile. Et le taureau aurait été restitué à Agrigente en Sicile après la chute de Carthage en 146 AEC (selon G. Grote).

Petite aparté. Il faut bien être conscient de cette opposition, idéologique et surtout de l’implication de certains chercheurs qui se revendiquent historiens ou scientifiques mais œuvrent dans la subjectivité absolue. En effet certains, qu’ils soient du moyen-orient ou de Tunisie, œuvrent à réhabiliter l’image de leurs ancêtres, réfutant la possibilité que leur nation, leur culture ou leurs croyances reposent sur des pratiques qu’ils jugent inadmissible et barbares de nos jours.Ils cherchent ainsi à se prévaloir d’un passé violent fondateur de leur nation. Mais le devoir de l’historien, le vrai, ou du philosophe, n’est pas d’instaurer la morale, de dire si tel comportement est bon ou mauvais, mais juste de le rapporter et de l’étudier. Quand les convictions religieuses, politiques ou plus généralement idéologiques se mêlent à l’histoire, elles la corrompent et la travestissent. Si l’histoire est écrite par les vainqueurs elle l’est malheureusement, très et trop souvent, également l’arme des idéologues de tous bords. Chercher à réhabilité l’image d’un pays en trahissant son histoire tout en se prévalant d’une richesse culturelle séculaire n’est preuve que de mauvaise foi et de malhonnêteté intellectuelle. Parenthèse fermée.

Enfin soulignons le sort réservé à Carthage après sa prise et sa destruction par les romains. La terre de la cité fut maudite et devint tabou, tout comme le fut la terre du tophet biblique. (2 Rois 23.4-10).

Mais Moloch, né du molek, pourrait relever d’une autre divinité elle aussi mentionnée dans la Bible, Milkom.

2.3 Milkom, le dieu ammonite
Le nom de Milkom : מִלְכֹּם (milkōm) apparaît à diverses reprises dans les textes bibliques et parfois il se confond avec le terme de « roi ». Comme en 2 Samuel 12,30, 1 Chroniques 20,2,, Jérémie 49,1, Sophonie 1,5, 1 Rois 11,5-7,33 2 Roi 23,13
Et dans le 1er livre des rois son nom se confond avec celui de Molek,
(1R 11:5, 33) ;

« 5,Salomon suivit Astarté, déesse des Sidoniens, et Milkom, l’abomination des Ammonites.
7 C’est alors que Salomon bâtit sur la montagne qui est en face de Jérusalem un haut lieu pour Kemosh, l’abomination de Moab, et aussi pour Molek, l’abomination des fils d’Ammon. »

C’est une erreur de traduction ou d’interprétation car il s’agit de MILKOM.
« 33,C’est parce qu’ils m’ont abandonné et qu’ils se sont prosternés devant Astarté, déesse des Sidoniens, devant Kemosh, dieu de Moab et devant Milkom, dieu des fils d’Ammon, et qu’ils n’ont pas marché dans mes chemins, ne faisant pas ce qui est droit à mes yeux, selon mes lois et coutumes, comme David son père. »

On voit bien que pour un texte énumérant des divinité, dans un même chapitre, on a Molek ou Milkom. Mais Molek comme Moloch n’a aucune existence extra biblique ce qui n’est pas le cas de Milkom nous allons le voir.
De plus il est intéressant de souligner qu’ici l’expression « l’abomination des ammonites » peut se référer, comme nous l’avons vu, à la dévalorisation du terme mélekh par l’ajout des voyelles qualifiant la honte et… l’abomination !
Mais nous le voyons clairement ici, il existe une confusion entre Milkom, dieu ammonite, et le molek terme qui n’a rien à faire ici, Sans doute une mauvaise interprétation, un amalgame entre les dieux ou une erreur lors de la vocalisation de MLK, Quoi qu’il en soit Kemosh, à qui Milkom est associé, lui, est attesté comme une divinité cananéenne/ougaritique vénérée, De même que pour Astarté à leurs cotés en 2 Roi 23,13. Astarté autrement nommée Anat, Ishtar ou encore Asherat ou Ashéra dans la Bible. Donc la parèdre de Baal et du YHWH pré-biblique.
Ceci tendrait à prouver l’existence d’un culte à ce dieu Milkom du panthéon cananéen aux cotés des autres dont nous avons conservé des traces, Et ceci peut être confirmé par des mentions épigraphiques :

—L’inscription de la citadelle d’Amman (Ixème siècle AEC.)
(Siegfried H. Horn, « The Ammān Citadel Inscription », Bulletin of the American Schools of Oriental Research, American Schools of Oriental Research, no 193,‎ 1969, p. 2-13  )
—Un sceau du VIIème siècle AEC. qui porte l’inscription ברך למלכם (« béni par Milkom »)
—Une liste de divinités ougaritiques relayée par Andrée Herdner dans son.Corpus des tablettes en cunéiformes alphabétiques découvertes à Ras Shamra – Ugarit de 1929 à 1939.

Toutefois, certains indices, comme l’absence d’autres inscriptions propres ou de noms de rois portant la marque de ce dieu, pourraient aller dans le sens qu’il ne serait qu’un épithète de EL. Milkom venant de MLK, le roi donc, le dieu suprême, En effet nous sont parvenus très peu de théophores se référant à Milkom comparé à El chez les ammonites.
Pour d’autres comme HÜBNER  il pourrait s’agir de la version ammonite du dieu cananéen Baal, HÜBNER 1992: 262;1993: 137). Car Baal comme El est un titre donné à des divinités, et mélekh probablement avait le même usage comme nous l’avons vu. Milkom pourrait donc être une variante de mélekh mal interprétée.

D’autres termes issus de MLK connaissent le même sort de l’amalgame. Comme dans 2 Samuel 12,30

(TOB, Segond, LXX)

« Il enleva la couronne de leur roi de dessus sa tête ; son poids était d’un talent d’or, avec des pierres précieuses ; elle fut placée sur la tête de David, et il emporta de la ville une très grande quantité de butin. «

Le terme est ici malkam מַלְכָּם signifiant « grand roi » et revêt donc le même sens que mélek.
Mais par exemple dans la traduction catholique de la bible de Jerusalem le roi devient Milkom

(Jerusalem)

« Il enleva de la tête de Milkom la couronne qui pesait un talent d’or; elle enchâssait une pierre précieuse qui devint l’ornement de la tête de David. Il emporta le butin de la ville en énorme quantité ».

Que de confusions n’est ce pas ? Et ce n’est pas fini !
Dans 1 Chroniques 20,2 qui reprend ce texte, le terme est soit :
« le roi Molkom » pour la LXX
« Milkom » dans la TOB et Jerusalem
« son roi » bible Segond
Donc soit un roi nommé Milkom mais ce n’était pas le nom du roi de la cité qui était Hanoun (2S 10:1-4) soit le dieu Milkom ou encore juste le roi de la cité, On retrouve la même confusion en Sophonie 1,5 ou Amos 1,15 par exemple,

Mais si l’on se réfère à cet amalgame on pourrait penser que le culte de Milkom serait lié au culte royal en la capitale Rabbath Ammon, En effet un culte de l’esprit des rois défunts déifiés est avéré dans le Levant et la Mésopotamie, Et dire ainsi que Ammon, Baal et Milkom serait la même divinité ne semble pas aberrant.

Une autre preuve dans la bible accentue la dissociation de Molek/Moloch avec Milkom. Le sanctuaire de Milkom est situé sur le Mont des Olivier (2 Roi 23.13) alors que celui du molek donc par extension de Moloch, est lui au Tophet,

Certains même, comme, Siegfried Horn émettent l’hypothèse que Milkom ne désignerait en rien un dieu mais juste un roi comme nous le voyons dans l’extrait croisé des livre de Samuel et de celui des chroniques,

Mais selon d’autres, comme Van der Veen, le culte de Milkom est bien attesté Et ce dieu pourrait être personnifié sous les traits d’un taureau ce qui lui aurait valu son assimilation à El ou Baal.
Pour ma part je pense que Milkom ne désigne ni l’un ni l’autre et les deux à la fois. Je m’explique. Milkom, sur le plan religieux, serait probablement un épithète de Baal, El ou Yhwh. Et tout comme mélekh il désignerait un dieu ou un roi. Peut être même le terme originel était mélekh qui muta tout simplement et qu’il devint Milkom comme molek devint Moloch, ou baal devint Baal. Un terme né d’amalgames, de mauvaises interprétation et de sources remaniées tant de fois.

Mais que Milkom ait été vénéré ou pas, il semble clairement se dissocier du Moloch biblique, (2Ro 23:13  ) qui semble puiser ses origines dans les mythes plus que dans les cultes.

3. LE MOLEK MYTHOLOGIQUE

3,1 De Dionysos à Moloch

Masque de D

La description de Diodore n’est pas sans rappeler le mythe des ménades Les ménades composaient une sorte de parade ritualisée, la mania, durant laquelle des femmes, atteintes de folie par le dieu Dionysos, s’adonnaient aux pires excès allant jusqu’à l’infanticide, Ces mania étaient également composées de satyres, créatures mi-hommes mi-boucs avec lesquelles les démentes copulaient. Donc, on retrouve bien ici les mêmes symboles :, le sacrifice d’enfants par des gens touchés de folie à un dieu déviant et dépravé mi homme mi bête,
Dionysos était non seulement le dieu de la folie mais aussi de la fertilité et de la vigne. Or un de ses épithètes est Meilichios ce qui du faciliter son assimilation avec Moloch ou Melkart. En ce qui concerne Baal, c’est par le biais de la symbolique qu’on peu le rapprocher du dieu grec. Sur les monnaies de Tarse, de Nagidus, de Mallus et de Soli, ainsi que de Zaytha de Mésopotamie, il tient des raisins et des épis, (voir dictionnaire de Daremberg et Saglio, 1877)
Dionysos est un dieu archaïque dont le culte s’étant dans tous le bassin méditerranéen. En Crête un ancien culte est dédié à Dionysos enfant qui se confond avec Zagreus-Dionysos . Cette divinité à cornes aurait été dévorée enfant, sous forme de taureau par les titans et aurait été ressuscitée par Zeus a partir de son cœur épargné. Il aurait dans certaines version était immolé par le feu et découpé avant d’être avalé par les titans. (selon Euripide). Un mythe qui se rapproche très fortement de celui de Pelops que nous allons aborder sous peu.
Nous somme donc en présence des codes du molek mais dans le désordre cette fois-ci. Ce sacrifice symbolise la renaissance, le passage de l’hiver au printemps et de la fertilité dans les cultes crétois qui le symbolise par le sacrifice annuel d’un enfant, roi durant une journée avant de mourir pour le bien des insulaires. Le mythe de Zagreus entre dans l’orphisme et le mysticisme et pourrait symboliser un rite initiatique selon le processus Mort/Crémation/Renaissance. On le retrouve aussi dans le mythe de Demophon. Ce dernier devint immortel par à l’initiative Déméter qui le plongeait chaque nuit dans le feu après l’avoir recouvert d’ambroisie. Jusqu’au jour fatidique où la mère de l’enfant surprit la déesse et s’écria. Le charme se rompit alors et l’enfant mourut brûlé vif. Le passage initiatique par le feu est souvent envisagé pour expliquer le molek. En effet certains parleront de symbolisme et non de réels sacrifices, mais encore une fois il s’agit de se prévaloir d’un passé violent et cruel mais tout de même réel.

Le thème du sacrifice du premier-né nourrir bon nombre d’autres mythes dont certains semblent issus de la même source.

3.2, le Sacrifice de la fille de Jephté

Le retour de Jephté,
Jacob Waben

Ainsi le sacrifice de Jephté que l’on retrouve dans la Bible en juges 11, 30-40
Jephté ; promit à YHWH de sacrifier la première personne qui passerait le pas de sa porte s’il sortait vainqueurs de la guerre qui opposait alors les israélites, dont il faisait partie aux ammonites – tiens encore eux, Une fois victorieux il rentra chez lui et sa fille sortit alors et vint à sa rencontre. Ce fut donc la première à passer la porte. Chose intéressante, il est dit qu’elle sortit en dansant au son des tambours. Hors une des hypothèses quant à l’origine du terme Tophet voudrait qu’il provienne de la version dépréciée de « tambours » pouvant signifier « crachat ». Le même processus que pour molek donc. Et dans les récits des textes de la tradition rabbinique les tambours raisonnaient durant les sacrifices dans le tophet pour étouffer le hurlement des victimes, (Midrash, Yakult shimoni, Rashi etc)
Jephté sacrifia donc sa fille unique et vierge au nom de sa promesse faite à YHWH à l’instar des inscriptions sur les stèles de Carthage.Il est aussi intriguant qu’il combatte les ammonites qui auraient voué un culte à Moloch, donc au molek, et que pour les avoir vaincu et bien il pratique un de leurs rites, ce même molek.
Ensuite la jeune fille accepta son sort et ne chercha pas à s’y soustraire comprenant que son sacrifice servait une cause plus grande, la victoire de son peuple.
Et enfin cette péricope peut être rapprochée à un texte latin de Servius, un commentateur latin de Virgile:

 » Idoménée, roi de Crète, ayant été pris dans une tempête en revenant de la guerre de Troie, fit le vœu d’offrir en sacrifice la première personne qu’il rencontrerait à son retour chez lui, à condition que les dieux le protègent pendant le voyage. Cette personne se trouva être son fils. »

Un autre récit mythologique, extra biblique cette fois ci, reprend les mêmes codes.

3.3,Le mythe d’Iphigénie

Le Sacrifice d’Iphigénie, Bourdon Sébastien

Ce mythe apparaît dans les Chants Cypriens, attribués à Stasinos de Chypre (VIIèmme siècle AEC).
Le récit se déroule durant la légendaire guerre de Troie qui opposa les troyens et les grecs, Ces derniers étaient menés par le roi Agamemnon désireux de récupérer sa belle-sœur Hélène enlevée par Pâris prince de la cité assiégée, Mais lors d’une offensive navale, la flotte grecque commandée par Agamemnon se vit bloquée par l’absence de vent, Alors un des devins du roi lui annonça que ce problème viendrait d’une offense du souverain grecque à l’encontre de la déesse Artémis et que pour lever cette malédiction il devait sacrifier sa fille Iphigénie. Bien malgré lui il opéra cet acte funeste et ce par ruse, Mais Iphigénie se résigna et accepta son sort, persuadée qu’il était nécessaire à la victoire de son peuple, Tout comme la fille de Jephté elle fait office de martyre.
Dans une autre version du mythe, Artémis remplace Iphigénie par une biche, et en fait une de ses prêtresses en Tauride, (où des sacrifices humains sont attestés) Ce procédé de substitution n’est pas sans rappeler celui du sacrifice le plus fameux des textes bibliques, celui d’Isaac pas son père Abraham

3.4 Le sacrifice d’Isaac.

Le sacrifice d’Isaac, Rembrandt

Dans le récit de la Genèse au chapitre 22, Yhwh demande à Abraham de lui sacrifier son fils Isaac., son « unique ». Mais le dieu biblique l’interrompt au moment fatidique.. Ce qu’il ne fit pas pour Jephté. Il ne s’agissait que d’un test pour éprouver sa foi.
Puis survient l’épisode de l’Akedah ou de la substitution d’Isaac par un bélier. Tout comme Iphigénie fut remplacée par une biche dans une version alternative de son mythe.
Mais fait encore plus intéressant, ici ce n’est pas YHWH lui-même qui intervient mais son messager, en hébreux  מַלְאָךְ (malâkh). Ce terme est issu de la racine MLK comme melekh et molekh Encore une fois dans la bible tout se mélange, Si l’on extrapole, trop peut être, ce malak serait un vestige du molek. Ce récit pourrait être né de confusions, chose courante dans la bible et le sens originel ne ferait pas mention de messager mais de la main de dieu qui retient le molek que s’apprêtait à exécuter Abraham. C’est une interprétation personnelle qui replacerait ce terme dans un récit plausible. Car c’est yhwh qui demande à Abraham de sacrifier son fils mais c’est son messager qui l’interrompt. Nous reviendrons plus précisément sur cet épisode controversé dans la vidéo consacrée dans notre série sur Abraham.
Quoi qu’il en soit cette péricope concorde avec l’histoire quand Josias interdit les sacrifices humains comme nous l’avons déjà évoqué.

3.5 Le mythe de Phrixos

Phrixos et Hellé

Un autre mythe traitant de ces sacrifices d’enfants et de leur substitution, nous est rapporté, dans sa version la plus ancienne, par Sophocle au Vème siècle AEC.
Il y est question du roi Athamas qui répudia son épouse la déesse Néphélè avec qui il eut deux enfants, et ce pour s’unir a une femme mortelle. Par vengeance, la déesse bafouée affligea le royaume d’Athamas d’une sécheresse. Le monarque décida alors d’envoyer des messagers consulter l’oracle de Delphes. Mais sa nouvelle épouse corrompit les messagers afin que ces derniers disent au roi que les dieux, par l’intermédiaire de l’oracle, souhaitaient qu’il sacrifie ses enfants, Phrixos et Hellé, qu’il eut lors de sa première union avec la déesse. Mais un bélier vint prévenir les deux enfants de leur sort. Ils s’enfuirent donc avec l’animal qui revêtait une toison d’or, la fameuse. Et enfin après la noyade de Hellé, le bélier fut sacrifié par Phrixos une fois leur destination atteinte. Donc une sorte de substitution. Mais ce mythe, dans sa version originelle, était probablement une version plus simple reprise d’ailleurs par certains auteurs. Ainsi une divinité, par l’intermédiaire de l’oracle, demande au roi de sacrifier son fils Phrixos. Au moment où il s’apprête à cet acte au sommer d’une montagne, une intervention divine le stoppe et un bélier à la toison d’or remplace l’enfant pour le sacrifice. Et la toison de l’animal sacrifié devient une récompense pour le pieu monarque prêt à sacrifier son fils selon la volonté des dieux. Donc un récit très proche de celui d’Abraham et Isaac

3.6 Pelops

Tantale sacrifie Pelops par Hugues Taraval

Citons également le mythe de Tantale qui nous est rapporté notamment par Pindare au Vème siècle AEC et dans une version plus aboutie par Ovide an 1er siècle AEC. Lors d’un banquet des dieux, Tantale sacrifia son propre fils Pélops et le leur offrit à manger afin de les piéger et de tester leur omniscience. Aucun ne fut dupe hormis Déméther qui consomma l’épaule de l’enfant. Alors Zeus ordonna à Hermès, le messager des dieux, comme le malak donc, de ramener la victime à la vie. Puis le dieu fit substituer son épaule manquante par un morceau d’ivoire . Et enfin tantale fut puni par le célèbre supplice qui lui est associé. Un récit bien similaire à celui de Zagreus-Dionysos.

Dans la continuité de l’enfant martyre sacrifié pour le bien du plus grand nombre comme pour la fille de jephté ou Iphigénie citons un épisode légendaire du règne d’Abla Pokou une reine historique d’une tribu ghanéenne au XVIIIème siècle. Celle-ci aurait, selon la légende, sacrifié son fils unique afin que son peuple puisse traverser une rivière les séparant de la Cote d’ivoire, leur destination.

Le Minotaure, Gustave Doré

3.7, Le Minotaure
Enfin un autre mythe pourrait se rapprocher du molek par divers aspects : celui du minotaure Ce mythe nous est rapporté par le Pseudo Apollodore (IIème siècle. AEC), Cette créature anthropomorphique à tête de taureau recevait régulièrement sept jeunes filles et sept jeunes garçons offerts par Athènes en sacrifice, Des jeunes gens offerts en sacrifice à une créature à tète de taureau ? Le parallèle est facile mais significatif,
Le minotaure est possiblement une adaptation grecque du Baal Hammon phénicien, Et son meurtre par Thésée l’athénien dans le mythe grec pourrait symboliser la scission entre la cité grecque et la Phénicie ainsi qu’avec la Crête minoenne, Selon certains historiens comme E. Pottier il pourrait même s’agir d’un récit du tophet que l’on retrouverait dans le Mythe de Talos,

3.8 Le mythe de Talos

Médée et Talos, Sybil Tawse

Ce dernier était aux services de Minos, toujours en Crête, et était recouvert d’une carapace de bronze. Il avait pour mission la protection de l’île et tuait quiconque s’y introduisait sans accord, Il étreignait alors ses victimes après avoir préalablement chauffé sa carapace de cuivre,et ainsi il les brûlait vif entre ses bras, Encore une fois le parallèle avec le tophet carthaginois peut être établit même si moins pertinent , Les deux mythes crétois, sous le même règne de Minos, pourraient donc être nés d’un même processus, peut être celui du tophet, Ce qui trahirait possiblement l’influence des phéniciens sur la Crète dont la présence sur l’île est attestée, (Ioannou Christina, La présence phénicienne en Crête).
Et ces mythes nous rappellent le supplice du taureau d’airain du tyran Phalaris.
Ainsi le taureau d’airain se retrouve dans les régions où les phéniciens se sont implantés (Crête, Sicile, Afrique du Nord…) ce qui peut trahir une origine commune de ces mythes.
Les sacrifices humains, et particulièrement ceux d’enfants, sont traités par les philosophes et les tragédiens comme la caractéristique de peuples barbares et de la violence des superstitions,
SI l’on s’aventure sur le plan psychologique, plan nourricier des mythes et légendes, cela traduirait le sacrifice de l’innocence face à la violence paternelle, le renouveau qui ne doit pas supplanter l’originel, la dévotion et le sacrifice ultime ou l’abandon du futur pour un meilleur présent. En temps de guerre cela symbolise l’enfant martyre, l’innocent sacrifiée pour mettre fin à la violence.
C’est sous l’ère hellénistique que Baal/Moloch se démonise ou plus précisément devient une entité originelle et violente, Il fut même assimilé à Saturne/Cronos qui, rappelons le, dévora ses enfants, Ainsi de dieu solaire maître des panthéons du Levant Baal/Moloch devint une entité violente originelle opposée au dieu unique YHWH. Pour enfin, au moyen-age, devenir un démon dans la tradition chrétienne.

4, DEMONOLOGIE

4.1 Démons nés de Baal

Démon Moloch

Notons l’image d’Épinal du démon médiéval cornu et infanticide qui se retrouve dans la représentation de Baal/Moloch. Mais stipulons que dans l’antiquité les dieux étaient très souvent les hybrides d’humains et d’animaux et qu’il n’y avait aucune connotation démoniaque en cela.
Selon les démonologues chrétiens du XVIème siècle, Moloch serait un prince des enfers qui se nourrit des pleurs des mères auxquelles il dérobe les nouveaux-nés. On voit bien dans cette description l’influence du molek. Il serait aussi le démon de l’Injustice, un membre du conseil infernal et serait notamment le plus actif en décembre. Il est facile de tisser une corrélation entre cette superstition et le nombre de décès d’enfant explosant en hiver au moyen-âge,
Baal n’est pas en reste, de son nom, naquirent une myriade de démons tels que Belzebuth/Belzebub, Belphegor, Belial, Baal, Bael etc.

Liste non exhaustive de démons issus de Baal:

Démon Baal

Baal/Bael/Bel
Baalberith
Baalzephon
Bahal
Balam
Balsur
Beelzebub (Belzébuth)
Belial
Beleth
Belphegor

4.2 Démons nés de melekh
Le terme de melekh, le roi, qui est à l’origine de Moloch, donna lui aussi naissance à d’autres démons, tels que Melchiresa/Milki Resa dont le nom signifie «mon roi est impiété » dans les textes de la mer morte. Selon les croyances, ce serpent doté de plusieurs yeux venait faucher l’âme des mourants pour les mener en enfer.
Parmi la myriade de démon listés dans le dictionnaire infernal, un nom nous est familier, Melchom ou Milkom.
Melchom est le payeur des fonctionnaires du Jinnestan. Il est connu comme le démon qui porte la bourse. Il est souvent représenté comme un gros marchand médiéval ou un grand soldat, un artiste ou un riche noble. Une image bien éloignée de celle de Moloch malgré leur soit disant origine commune.

Démon Adramélek

Melekh donna également naissance à Adrammélek et Anammélek à qui on octroya les mêmes sacrifices qu’au Moloch en 2 roi 17,31
« (,,,)les Sefarwaïtes continuèrent à brûler leurs fils en l’honneur d’Adrammélek et d’Anammélek, dieux de Sefarwaïm. »

Encore une fois cette divinité ne figure que dans la bible et pourrait être traduite par « roi puissant », On retrouve le même nom toujours dans la bible mais cette fois-ci pour désigner un homme coupable de régicide (Esaie 37,38). Puis Il est démonisé par l’Église catholique lors du concile de Braga (560-563) et figure dans le célébré De lamiis liber – Pseudomonarchia daemonum de Jean Wier publié en 1577, de même que dans le dictionnaire infernal de Jacques Collin de Plancy publié en 1863. Il y revêt différents rôles selon les auteurs, entre grands chancelier, président du conseil infernal et même en tant qu’intendant de la garde-robe de Satan ! Ce qui lui valut d’ailleurs le titre de démon de la mode et des couturiers et sa représentation récurrente en paon. Donc le diable s’habille bien en Prada…

CONCLUSION

Pour tout résumer de façon simple :
MLK=>Melek=>Dépréciation=>Molek=>Dieu Moloch=>culte Baal Hammon/Moloch=>Mythes =>Démon Moloch.
Cette hypothèse de la création du dieu chthonien friand de sacrifice, Moloch, un démon en somme selon l’imagerie religieuse, ne servirait qu’à cacher d’anciennes pratiques jugées barbares par les auteurs et sans doute inutiles à leur époque, Pour les israélites par exemple, à quoi bon sacrifier leurs enfants pour au finale ne subir que des défaites ?
De plus l’inscription molk sur les stèles du tophet de Carthage associée à de récentes découvertes pourrait mettre à jour une explication plus certaine, Le terme de molek ou de molk, n’aurait pas désigné un dieu ou une entité mais plutôt un type de sacrifice, Ce qui concorde avec les textes bibliques et l’absence distincte d’un culte au dieu Moloch,
Ainsi le terme de molek désignerait le sacrifice des premiers nés ou plus généralement des enfants au dieu principalement vénéré du panthéon cananéen qu’il soit Baal, EL ou YHWH, donc à ce dieu roi, ce melekh,
Ce serait les auteurs, les glossateurs et autres correcteurs qui en auraient fait une entité distincte pour la dissocier du dieu unique Yhwh et ainsi la lui opposer, Alors que probablement le molek était voué aux dieux qui composent par syncrétisme le Yhwh biblique ,
Ainsi naquirent les démons Moloch, Belzebuth ou encore Adrammélek.
Le sacrifice du l’enfant unique ou du premier né rentre dans la conception de l’enfant martyre qui symbolise le don ultime de l’innocence face à la violence.
Et ne serait-ce que dans la Bible l’enfant est le sujet des pires horreurs, prouvant que nul n’est à l’abri, surtout pas le faible et l’innocent.
Manfred Oeming note que :
«la violence de Dieu frappe toujours aussi, de manière massive, les femmes et les enfants : des enfants sont l’objet d’actes guerriers, ils sont brisés contre un rocher (Ps 137,7) ; ils sont victimes d’actes de cannibalisme (2 R 6,28ss ; Lm 2,20- 22 ;4,10 ; Lév 26,27-33 etc.) ; ils sont sacrifiés (Gn 22 ; Jg 11,31-39), notamment à Moloch (2 R 17,17.31 ;21,6 ;23,10), ou découpés en morceaux (1 R 3)».
Et que dire de Yhwh sacrifiant son propre fils, son premier et unique, pour le salut de l’humanité comme Jephté ou Agamemnon sacrifièrent leurs filles pour le bien de leur peuple.
Mais pour certains, le culte du Moloch perdure et les antiques sacrifices d’enfants se métamorphosent en l’abandon d’une génération perdue. Ce sont des enfants-soldats, des victimes de conflits et d’épidémies ou de l’égoïsme économique dans des sociétés en déclin héritières d’une nature mourante, Ils ne sont que de la chaire fraîche pour les mâchoires de feu du Moloch.

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