Qu’est-ce qu’un MYTHE? – Mythoscopia

Qu’est-ce qu’un MYTHE?

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« Le mythe nous enseigne que le rationnel est miraculeux. » Vincent Descombes Le Même et l’Autre (1979)

Si l’on devait donner une définition au mythe, ce serait un récit sacré inventé dans le but de répondre aux questions que se pose l’humanité sur ses origines, sa condition et les raisons de son existence ainsi que celle du monde qui l’entoure. Ces sempiternelles questions existentielles du sens de la vie, du « pourquoi » des choses qui se heurte à la science qui s’applique à ne répondre qu’ au « comment. »

Aujourd’hui le terme de mythe renvoi à la littérature, à l’imaginaire et au fantasme. Il est l’expression de l’irrationnel et du fabuleux, mais aussi de la fausse connaissance et parfois même du mensonge. Le terme de mythomanie en est d’ailleurs issu. Il va à l’encontre de la vraisemblance et de la science n’étant plus que le vestige d’anciennes croyance de peuples incultes. Il est une création de l’esprit humain totalement autonome des autres espèces et ne semble être que fictif. Il se situerait alors entre savoir et croyance, un procédé imaginaire fictif cherchant à expliquer les faits réels.

Pourtant ce terme ne se résume pas à ce sens dépréciatif moderne.En effet, le mythe c’est l’imaginaire qui tente d’expliquer le réel, le fabuleux qui se substitue au raisonné.

En tout temps et en tous lieux, les mythologies et les religions s’appuient sur des récits sacrés qui mettent en scène des personnages, qu’ils soient des dieux, des créatures fabuleuses ou des humains au comportement héroïque confrontés à des événements fondateurs. Ce sont les mythes. Ces mythes sont le cœur même des connaissances en matière religieuse au travers des cosmogonies, qui traitent de la création, de l’eschatologique qui narre la fin du monde ou des interactions entre humain et divin. Les mythes diffèrent des autres récits comme les fables, contes, légendes et épopées dans leur conception même. Si les autres formes se basent essentiellement sur l’imaginaire, la symbolique ou encore une allégorie moralisatrice tout en écartant une véracité, le mythe lui se veut vérité et fondement de la croyance. Il est un récit étiologique, qui vise donc à expliquer le monde et ses mécanismes au travers de récits épiques.

Le mythe s’engouffre alors dans l’absence de science, dans les interstices de l’inconnu que l’être humain s’efforce à combler, à rationaliser et à expliquer. Il est à l’instar des paréidolies visuelles, un mirage de l’esprit, une tentative de donner un sens à des concepts qui lui sont alors inconnus. « Si je ne peux l’expliquer, cela ne peut que relever du divin ou du surnaturel !» C’est ainsi que le mythe se substitue à la science, ne cherchant pas à démontrer ni même à expérimenter, mais juste à affirmer les choses.

On peut grossièrement classer les mythes dans deux catégories : les mythes fondateurs et ceux de moindre importance. Les premiers traitent de la cosmogonie, de la théogonie, la naissance des dieux, de la création de la vie et de l’Homme, ou encore du fondement des sociétés et enfin d’eschatologie. Les mythes fondateurs sont le cadre bornant une multitude d’autres qui gravitent autour et qui traitent de faits héroïques, d’épopées, de batailles ou de romances. Mais un thème ou un événement mythique voit sa valeur varier selon la culture qui l’applique. En effet, un mythe ne peut être appréhendé et compris qu’au sein d’une étude globale de la mythologie dont il est issue. Néanmoins, la comparaison des thèmes formant un mythe, que l’on nomme motifs, archétypes ou mythèmes, peut se voir étudiée dans la mythologie comparée. Ces motifs que Stith Thompson organise dans sa classification, constituent les patterns des mythologies, c’est à dire leur schéma constitutif et structurel, que s’attellent à étudier les folkloristes ou les mythologues.

Qu’est ce que le tonnerre ? A cette question je répondrai que c’est une déflagration due à la dilatation de l’air après que la foudre s’est abattue. Mais si vous posez la même question à un amérindien traditionaliste il vous répondra que c’est le Wakin’yan, l’oiseau tonnerre géant qui projette des éclairs avec ses yeux et dont les battements d’ailes gigantesques provoquent le tonnerre. De là, il renchérira en vous narrant son histoire qui varie selon sa tribu d’origine.

Il y a de cela fort, longtemps, à la jeunesse de l’humanité, vivait un faucon géant sage et bienveillant qui régnait sur les cieux. Les esprits du tonnerre l’appréciant décidèrent de le protéger et lui proposèrent qu’il les contacte s’il le désirait. Un jour il exécuta le rituel et il les invoqua. C’est ainsi que les esprits lui octroyèrent un immense pouvoir le rendant encore plus puissant qu’il ne l’était. Mais malheureusement, avec sa puissance grandit son orgueil. Il convia ensuite tous les animaux afin qu’ils assistent à une nouvelle invocation et à sa gloire. Mais l’oiseau tonnerre ne respecta pas le rituel c’est pourquoi le Grand Esprit intervint et décida de le punir en retournant le pouvoir du Wakin’yan contre lui. Sa puissance désormais acquise ne serait employée que pour servir les esprits du tonnerre en les escortant et en les protégeant ou qu’ils aillent. Ce châtiment perdurera aussi longtemps que le faucon n’aura pas pris conscience de sa place dans l’ordre naturel du monde et qu’il ne devait pas se faire plus grand qu’il ne l’était.

Même si l’amérindien n’a jamais vu la fabuleuse créature, s’appuyant sur ce mythe, il en déduit néanmoins que le tonnerre et les éclairs sont les preuves de sa manifestation. Pour lui c’est logique car ses ancêtres pensaient ainsi et que cela corrobore la tradition. Et il n’a pas conscience du réel phénomène, n’ayant ni les connaissances ni la technologie pour l’apprécier. De son point de vue c’est l’explication la plus crédible, le référentiel n’étant pas le même. Le mythe est donc du ressort de la croyance car il doit être admis sans être vérifié.

Le Mythème

Toutefois nous allons le démontrer, souvent le mythe n’est pas le fruit d’un désir prémédité mais il serait plutôt né du paradigme cognitif commun aux humains. Ainsi nous retrouvons des mythes archétypes similaires dans des régions éloignées qui ne semblent pas avoir interagi lors de leur conception religieuse. Leur seul point commun est leur créateur, l’humain.

Cette récurrence de thèmes que l’on retrouve dans différentes religions est ce que Claude Lévi-Strauss nomme les mythèmes.
Il s’agit des thèmes précis constitutifs des mythes et que l’on retrouve dans plusieurs cultures.

Parmi ces archétypes celui de la création du monde semble être régi, dans de nombreuses religions, selon un même schéma.

« Au commencement, il n’y avait que les eaux primordiales, plongées dans les ténèbres cosmiques. De l’immensité de l’espace où il se trouvait, Io, le dieu suprême, exprima le désir de sortir de son repos. Aussitôt, apparut la lumière. Puis il reprit : « que les Eaux se séparent, que les Cieux se forment, que la Terre devienne ! »

Vous pensez que ce mythe cosmogonique est tiré de la Bible ? Et bien nom, il est polynésien ! Il est en effet d’une façon très troublante, similaire à celui des religions abrahamiques qui nous est parvenu ainsi :

« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était déserte et vide, et la ténèbre à la surface de l’abîme ; le souffle de Dieu planait à la surface des eaux, et Dieu dit : « Que la lumière soit ! » Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne. (…) Dieu dit : « Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux ! » Dieu fit le firmament et il sépara les eaux inférieures au firmament d’avec les eaux supérieures. »

Genèse 1,1

Ce récit est lui-même inspiré par la cosmogonie suméro-babylonienne, qui donnera l’Enuma Elish et se retrouve dans d’autres mythologies. Dans ces récits cosmogoniques nous pouvons dégager plusieurs mythèmes tels que ceux de la séparation des eaux, du néant originel, d’un démiurge primordial ou de l’œuf cosmique

Parmi les nombreux autres mythèmes récurrents dans plusieurs religions, on peut également citer ceux du déluge, de la descente aux enfers (avec Innana chez les sumériens, Orphée chez les grecs ou encore Jésus pour les chrétiens), le mythème des géants originels (je vous renvoi à la vidéo qui leur est consacrée), de la résurrection (Osiris, Jésus), du parricide ou de la rébellion du fils, du combat manichéen, de l’initiation de l’enfant roi ou bien du mythe de la connaissance apportée aux hommes (Enlil, Prométhée ou Lucifer de la tradition chrétienne) et bien d’autres. Si les mythes trouvent un tel retentissement, c’est qu’ils sont composés d’épisodes thématiques, les mythèmes, qui nous sont familiers. Ainsi de part le monde on retrouve ces mêmes thèmes et parfois même de plus obscures et précis.

A titre d’exemple citons le travail de recherche de Patrice Lajoye concernant un personnage mythique aux lourdes paupières nécessitant une aide extérieure afin de les lui ouvrir. On retrouve ce modèle partout dans le monde sous diverses formes mais avec cette constance particulière (il apparaît dans la classification des motifs de Thompson).

L’utilisation des mythèmes dans les différentes religions serait l’expression d’une phylogénie des mythes. Certains pensent ainsi que les mythes récurrents dans les mythologies auraient une origine commune remontant au Paléolithique et seraient donc diffusés dans le monde à la mesure des migrations. Plus proche de nous le mythe du déluge qui semble trouver ses origines à Sumer au 3e millénaire se retrouve dans la Bible puis dans la mythologie nordique. En effet, la Mésopotamie influença les rédacteurs bibliques, et la chrétienté influença les mythes scandinaves. On peut ainsi retracer le parcours d’un mythe. Mais certains mythèmes n’ont pas de lien direct, comme nous l’avons vu avec la cosmogonie biblique et celle de Polynésie.

Pour le croyant cette récurrence traduit une origine commune, l’inspiration divine qui s’exprimerait différemment selon la culture mais qui aurait une même origine, Dieu. Seule l’interprétation des hommes serait à l’origine des différences.

Pour le scientifique il s’agit d’un mécanisme mental et cognitif commun aux humains à l’instar des instincts primitifs, ce que Carl Jung nomme archétype. A l’archétype véhiculé par le mythème répond un autre concept, celui du monomythe.

Le Monomythe

Cette théorie du mythologue américain Joseph Campbell voudrait que l’ensemble des mythes du monde soit issu d’un même mythe originel et n’en serait que des variations et des extensions. Selon lui, ils seraient issus de ce qu’il nomme le « voyage du héro » ainsi que d’une structure cosmogonique préhistorique commune. Ce monomythe pourrait répondre à un schéma codifié que l’on pourrait résumer ainsi.

Le héro, dans son univers ordinaire, reçoit un appel à accomplir une quête au travers d’une aventure jalonnée d’épreuves, de dangers et de combats. D’abord hésitant, il se lancera dans l’action, épaulé par un mentor, souvent un vieil homme qui fait office de gardien du seuil entre l’ordinaire et le merveilleux. Celui-ci guidera le héro et lui enseignera ce qui lui sera nécessaire pour son voyage. C’est une sorte de rite initiatique qui une fois accompli l’enrichit spirituellement (et matériellement) et l’aide à mieux se comprendre lui même. A son terme, accompagné d’alliés, il affronte la mort dans un monde ténébreux. S’en suit un retour à son univers d’origine où il use de cet apport de richesse, que ce soit en terme d’expérience, de sagesse de connaissance ou matériel, pour améliorer ce monde.

Cette approche que l’on pourrait qualifier de psychologie analytique se rapproche des travaux de Carl Jung ou de Sigmund Freud qui déterminent l’origine des mythes dans l’inconscient et la conscience collective. Mais cette vision universaliste du mythe est à nuancer fortement car elle ne s’applique que dans certains cas. La correspondance est que souvent l’homme, le héro, est au centre du récit et qu’il évolue entre son début et son achèvement. On peut alors envisager de valider cette structure mais dans le seul cadre du récit du héro, dans les sagas, épopées et autres gestes.

Néanmoins, de nos jours, ce concept est une référence pour la création d’œuvres littéraires, cinématographiques et vidéo ludiques. Pensez à n’importe quelle œuvre épique, ce schéma sera applicable à merveille de Tolkien à Star Wars, d’Héraklès à Arya Stark. C’est le caractère mimétique des œuvres dont parle René Girard. Enfin, le mythe, qu’il soit fondateur, moderne ou philosophique revêt surtout un caractère d’enseignement

Étiologie

Le mythe à donc aussi un but étiologique. Il est un procédé visant à expliquer par l’imagination ce que nos connaissances ne nous permettent pas. Il illustre ainsi des manifestations, notions ou principes qui nous sont alors étrangères et incompréhensibles en l’état et il les place dans un récit bien plus simple à assimiler.

Ainsi, le ciel était l’inconnu, les dieux ne pouvaient donc venir que de là, les forces de la natures n’étaient pas comprises scientifiquement, elles ne pouvaient donc être que l’expression du divin ou du surnaturel. La pluie devint alors les larmes des dieux, le tonnerre leur courroux, une éruption volcanique un dieu chthonien en colère ou un dragon qui s’éveille. Le mythe, irrationnel, rationalise l’inexplicable, l’homme ne pouvant se résoudre à ne pas tout appréhender. Il est ainsi plus aisé de tenter de calmer un dieu en colère qui fait tomber la foudre que d’en déterminer la réelle nature. Un danger se devant d’être rapidement identifié et évité peu importe sa véritable origine. Le mythe revêt alors un caractère d’enseignement et de gardien d’un savoir imagé. Car tout ne tourne qu’autour de l’humain ou de ses créateurs.

Les cultures antiques s’appuyaient sur un système anthropocentriste appliquant leur conception du monde au divin. Ainsi les dieux marchaient par couple homme-femme, comme le Yhwh pré-biblique avec Ashéra. Ces êtres surnaturels étaient majoritairement anthropomorphes, et avaient des caractères et comportements humains et était soumis à des besoins que les cultes, rituels et autres sacrifices comblaient. Une vision bien humaine donc, peu importe son origine temporelle ou géographique. Enfin l’ensemble de ces mythes, au seins d’une même culture ou religion, formera la mythologie. La plus fameuse d’entre elles est sans doute la grecque, mais celle ci connut une évolution bien particulière.

Mythe et philosophie

Les mythes grecques, les plus réputés ont très tôt subis la critique des penseurs de l’Antiquité, comme Platon qui les désacralise et les utilise en tant qu’allégorie. Ils ne servent plus qu’à illustrer des propos. Et quand le philosophe ne trouve pas un mythe adéquat pour son exposé il en crée un comme le fameux mythe de la caverne. Qui au final n’en est pas un car il n’est que démonstratif et non pas sacré. Mais le mythe sert la philosophie, et cette dernière cherche à le comprendre et l’expliquer, un lien étroit se tisse alors entre eux.

Les philosophes grecques ont ainsi qualifié les mythes comme étant une création intellectuelle leur ôtant de fait toute réalité. Le mythe devint alors la principale source d’inspirations pour les arts figuratifs et littéraires perdant de son empreinte religieuse et sacrée. Il n’est plus qu’allégorie.

Le Rite

Mais toute les religions ne connurent pas cette même évolution, c’est le rite qui fait perdurer le mythe plus que ses récits eux mêmes. C’est ce que l’on nomme les « mythes vivants ». Il ne faut pas croire de ce fait que certains mythes meurent. Certains récits probablement mais pas leurs idées car elles ne naissent pas d’un seul esprit à un temps donné mais bien de la conscience collective. Les mythes sont réactualisés, réinterprétés, réattribués. Ainsi un même mythe varie selon l’époque et la région où il demeure, l’Atrahasis sumérien devient le Noé biblique lui même inspirant le Bergelmir nordique.

Le mythe est une expression intrinsèque aux sociétés mais surtout à la pensée intellectuelle humaine. Même les mythes fictifs d’écrivains comme Tolkien, Martin, Lovecraft ne sont que des réinterprétations de mythes déjà existant reprenant des thèmes propres à l’humanité qui se dissocient d’une religion particulière ou de restriction spatio-temporelles. Mais c’est bien au travers du rites, que s’exprime le mythe. Nous développerons le lien entre mythe et rite dans une prochaine vidéo.

Transmission du mythe

La transmission, du mythe se faisait originellement par la tradition orale et s’inscrivait ainsi dans les mémoires par des récitations et des apprentissages par cœur. Or cette méthodologie disparut avec le temps le mythe sombrant dans un oubli que seuls les textes ravivent. Le mythe était alors une référence à la vie quotidienne, un exemple à suivre ou une leçon à tirer. Il répondait au « pourquoi » alors que la science se restreint au « comment. »

Il est aux cultures antiques ce qu’est l’histoire pour celles modernes. Les mythes restent donc en vigueur dans les sociétés traditionnelles. Dans nos cultures modernes, les mythes sont dépouillés de leur substance sacrée pour qu’il ne subsiste que la moelle symbolique. Les mythes mêmes donnent naissance à des concepts, expressions et archétypes que nous utilisons dans différents domaines. Comme en médecine avec le talon d’Achille, la pomme d’Adam ou dans des expressions comme être narcissique, tomber dans les bras de Morphée, avoir une force herculéenne, être fière comme Artaban, boire un aphrodisiaque et tant d’autres

Conclusion

Le mythe cherche à harmoniser l’environnement dans lequel évolue l’homme. Un environnement qu’il ne comprend pas, qu’il craint ou qu’il vénère. Le mythe relie ainsi l’homme à ces ancêtres et à ses origines mais également au divin, à la nature et à sa propre condition. Il possède donc un rôle d’enseignement et de tradition. Les héros des mythes sont aussi révélateur du caractère humain. Se voient alors personnifiée bravoure, couardise, violence, intelligence ou défiance.

Dans les mythes naissent le merveilleux et le terrifiant, l’apothéose de l’anthropocentrisme, la raison d’être et le sens de la vie, de toutes vies. Ils sont le lien entre l’humain et le divin, entre l’observable et le compréhensible. D’ailleurs le mythe est étudié par tous les savants, qu’ils soient historiens, mythologues, ethnologues, philosophes ou théologiens, car il est le fondement des sociétés et civilisations ainsi que de leurs pensées. Le mythe ne laisse pas de place au rationnel et à la science mais seulement à l’imaginaire, à l’interprétation et à la croyance.

Ainsi le mythe explique un fait réel, si ce n’est historique tout du moins vraisemblable, que l’imaginaire gonflera, déformera et adaptera à sa culture. Le mythe a aussi un rôle structurel pour la société. S’il définit les grandes lignes de l’histoire du monde il peut aussi expliquer les origines de la monarchie, valider ainsi l’hérédité d’une dynastie. Le mythe des rois fondateurs israélites joue ainsi ce rôle, justifier, légitimer et unifier. Le mythe sert donc de justificatif aux comportements, aux lois et aux cultes d’une société traditionnelle.

Dans les mythes l’homme est souvent confronté à des forces qui le surpassent, des énergies d’origine divine ou des créatures fabuleuses comme les dragons, les chimères ou les anges. Souvent ces créatures fabuleuses revêtent une symbolique de la condition humaine. Le minotaure serait nos démons intérieurs, les géants notre désir de surpasser notre condition et les satyres notre lubricité.

Mais le mythe peut aussi être un mirage, une idée reçue, un préjugé qui nait de rumeurs ou d’une image factice de la réalité. Comme le mythe américain du père Noël ou encore le mythe extraterrestre. Tout ceci se voit résumé par Emil Michel Cioran : “Une civilisation débute par le mythe et finit par le doute.”

Pour conclure et résumer cette vidéo je vais vous citer un extrait de la Philosophie de la volonté de Paul RICOEUR,

« On entendra ici par mythe ce que l’histoire des religions y discerne aujourd’hui : non point une fausse explication par le moyen d’images et de fables, mais un récit traditionnel, portant sur des événements arrivés à l’origine des temps et destiné à fonder l’action rituelle des hommes d’aujourd’hui et de manière générale à instituer toutes les formes d’action et de pensée par lesquelles l’homme se comprend lui-même dans son monde. Pour nous, modernes, le mythe est seulement mythe parce que nous ne pouvons plus relier ce temps à celui de l’histoire telle que nous l’écrivons selon la méthode critique, ni non plus rattacher les lieux du mythe à l’espace de notre géographie : c’est pourquoi le mythe ne peut plus être explication ; exclure son intention étiologique, c’est le thème de toute nécessaire démythologisation.
     Mais en perdant ses prétentions explicatives le mythe révèle sa portée exploratoire et compréhensive, ce que nous appellerons plus loin sa fonction symbolique, c’est-à-dire son pouvoir de découvrir, de dévoiler le lien de l’homme à son sacré. Aussi paradoxal qu’il paraisse, le mythe, ainsi démythologisé au contact de l’histoire scientifique et élevé à la dignité de symbole, est une dimension de la pensée moderne. »


Paul RICOEUR Philosophie de la volonté, éd. Aubier-Montaigne, p. 12

“Une civilisation débute par le mythe et finit par le doute.” Emil Michel Cioran

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