Les Nephilim et le mythe des géants
Les géants dans de nombreuses mythologies et légendes sont la personnification de la force brute primordiale de la nature et du chaos qui s’oppose à l’ordre harmonieux du divin. Souvent ils sont les premières créatures existantes, précédent parfois même les dieux. Ils sont aussi de façon récurrente au cœur de diverses cosmogonies (qui sont le système d’explication de la création de l’univers) et eschatologies (traitent quant a elle de la fin du monde). De plus, les géants représentent l’ennemi violent, le barbare, celui qui ne suis pas les préceptes de dieu ou des dieux. Ils personnifient également la violence des éléments naturels et la condition humaine d’où leur anthropomorphisme. Ces êtres sont maintes fois associés aux demi-dieux, soit en se confondant avec eux ou soit en les combattant directement. Et enfin les géants personnifient fréquemment des peuples considérés comme sauvages, violents ou de forte constitution.
On retrouve même ces créatures dans la Bible où, confondus avec les nephilim, ils revêtent ces trois aspects.
1, LE MYTHE DES NEPHILIM
Dans les textes canoniques (adoptés par les juifs chrétiens et musulmans) ainsi que dans de nombreuses sources apocryphes (qui sont à l’inverse non canoniques) est établie en effet une analogie entre les géants et les nephilim, ce qui est bien plus complexe qu’il n’y paraît notamment du fait de la juxtaposition des termes.
La première mention des nephilim dans la Bible apparaît au chapitre 6 verset 4 de la genèse.
« En ces jours, les géants étaient sur la terre et ils y étaient encore lorsque les fils de Dieu vinrent trouver des filles d’homme et eurent d’elles des enfants. Ce sont les héros d’autrefois, ces hommes de renom. « Gn 6,4
On apprend dans les versets précédents 1 à 4 que ces « fils de dieu » ou plus exactement les beney elohim s’unirent aux femmes mortelles qu’ils trouvèrent belles. J’utilise sciemment l’expression originale beney elohim car il existe deux possibilités envisageables quant à leur nature, qui seraient soit d’être des anges comme dans la tradition ou soit des dieux, hypotheses bien plus pertinente selon moi,
Ensuite de cette union naissent des gibborim ici traduits par « héros d’autrefois, ces hommes de renom » donc des demi-dieux qui se différencient des nephilim qui eux sont traduits ici par géants. De plus, selon les traductions de la Tob (bible œcuménique) et de la Darby, ces nephilim existaient avant la naissance des gibborim et étaient donc déjà présent avant cette union. Alors que dans d’autre traduction ce distinguo disparaît, ainsi nephilim et gibborim y semblent être une même entité apparaissant lors de cette union.
1,1 Etymologie
Intéressons nous aux termes originaux afin de mieux en saisir les subtilités,
« nephilim » n’apparaît que dans deux textes de la bible, en Genèse 6.4 et Nombre 13.33. Ces deux textes seraient de sources yahvistes pour celui de la Genèse, donc daté entre les xe-viiie siècles avant notre ère, et de source sacerdotale pour celui des Nombres daté lui entre les viiie-vie siècles avant notre ère,
Les Nephilim y sont assimilés a des géants, or, étymologiquement, ce terme revêt un tout autre sens comme nous allons le constater.
Mais il convient, dans un premier temps, de dégager les termes originaux de leur traductions et interprétations notamment pour le texte de la Genèse,
Ainsi les termes originaux sont Nephilim (traduit ici par « géants ») les beney elohim (qui sont ici « fils de dieux ») les « filles des hommes » (des humaines donc) et enfin les gibborim (les enfants des beney elohim et des « filles des hommes ») et qui sont qualifiés de « héros et hommes de renom ».
On obtient ainsi un texte dépouillé de ses traductions et assimilations qui pourrait donner, dans une version simplifiée, ceci :
« il existait des nephilim quand les beney eloihim s’unirent avec les humaines pour enfanter les gibborim ».
Une version qui s »appuie sur la version de la Tob mais ils en existent différentes comme nous le verrons ultérieurement,
Intéressons nous d’abord aux énigmatiques Beney elohim avant d’étudier les nephilim plus en détail,
1,2 Beney elohim.
Deux natures sont donc envisagées pour ces beney eloihim, ils seraient soit des Anges ou soit des dieux même si une troisième faisant de ces êtres les descendants de Seth peut être envisagée mais elle ne retiendra pas notre attention dans cette étude.
Les anges semblent être l’hypothèse acceptée par la tradition, En effet cette expression qui apparaît à de multiples reprises dans la bible est traduite par « fils de dieu » ou « anges » comme dans le Livre de Job où les Psaumes par exemple. Étudions donc cette vision,
Dieu dit que son esprit ne résidera pas toujours dans l’homme car celui ci est faillible et n’est fait que de chair. Gn 6.3 A mentionner que ce verset est sans doute un insert yahviste dans ce récit de base éloiste.
On peut tout de même en conclure que les beney eloihim eux ne sont pas faits de chair, tout du moins originellement, et qu’ils n’ont pas commis d’erreur comme l’homme car ils possèdent l’esprit divin.
Cela va à l’encontre d’une théorie selon laquelle les beney elohim seraient des démons ou des anges déchus, Mais si c’était le cas Dieu leur aurait retiré cette part divine comme il le fit aux hommes,
De surcroît, selon cette théorie, ces démons rendraient l’humanité mauvaise, Pourquoi alors les appeler « fils de Dieu » si ceux-ci se sont retournés contre lui? De plus il est bien dit que l’ensemble de l’humanité est corrompue pourtant tous ne sont pas les enfants des beney elohim donc leur impact n’est pas le seul fautif.
Mais cette théorie est quand même adoptée dans de nombreux textes comme dans le Livre des Veilleurs qui est issu du Livre d’Henoch. Ils y sont des anges « veilleurs des cieux » devenus anges déchus moralement et lubriques. Ceux-ci associés aux géants leur fils (eux aussi déchus moralement) corrompirent l’humanité,
Qu’ils soient donc déchus ou non la tradition fait de ces beney elohim des anges à l’instar
du Livre de Job dans lequel les beney elohim font partie de la cour divine.
Ainsi dans Job 1.6 et 2.1 ils se présentent devant Dieu comme étant ses serviteurs, Satan étant même l’un d’eux, Puis dans job 38.7 ils seraient même présents lors de la Création et seraient assimilés aux « étoiles du matin ».
De même que dans le Psaume 29 1 où ils sont les beney Elim et rendent grâce à Dieu,
L’autre hypothèse quant à la nature des beney elohim est bien plus pertinente et reçoit notre apporbation. En effet il ne faut pas oublier que l’Ancien Testament reproduit les mythes polythéistes assyro-babyloniens ou cananeens notamment, en les adaptant pour en faire une religion monothéiste (je vous renvois a nos vidéos sur Dieu dans la Genèse), Donc ces beney eloim pourraient au final être les dieux d’un panthéon polythéiste originel. Rajoutons à cela que de nombreux éditeurs, commentateurs ou traducteurs furent influencé, majoritairement ceux hellénistes, par la mythologie.grecque.
La théorie de plusieurs dieux peut en effet être confirmée, en premier lieu, par le terme de elohim qui est sans doute un pluriel (de par sa terminaison en im) mais également par l’analogie à Beney Elim qui lui est avéré comme un pluriel dans les psaumes 29.1 et 89.7. Le singulier désignant un dieu étant Eloah et son diminutif El. Ce dernier est d’ailleurs emprunté aux mythes cananéen, (on le retrouve même a Ougarit ou a Sumer/Babylone sous sa forme Enlil)
Certains parleront néanmoins d’un pluriel de majesté pour elohim, une hypothèse à laquelle je n’adhère pas,
Pour étayer la théorie d’un panthéon divin, dans un second temps, beney elohim peut être rapproché de l’expression Ougaritique bn ilm qui désigne l’assemblée des dieux. (en hébreux bn) Ougarit est une cité dans l’actuelle Ras Shamra en Syrie qui fut influencée par la culture mésopotamienne aux alentours du IIeme millénaire avant notre ère,
Et enfin un autre indices probant est la mention, à diverses reprises dans la Bible hébraïque, que Dieu Yahvé siége au cœur d’une assemblée de dieux dans les Psaumes 82.1 et 89.6-8. Je vous renvoi à la vidéo de Leag sur les origines de Yahvé pour mieux appréhender ces psaumes.
Le mot beney quant à lui ne désigne pas forcément fils ni même une filiation physique mais plutôt ici une appartenance, une assemblée. Ceci est confirmé par l’utilisation du terme à de multiples reprises pour décrire un groupe appartenant à un ensemble, Par exemple beney hannebi’im qui signifie des individus parmi les prophètes dans le premier Livre des Rois 20.35. Nous retrouvons également la même notion dans le premier livre de Samuel 26.19,
Ainsi les beney eloihim seraient en fait une assemblée de dieux et non des anges comme dans la tradition. Encore un relent polythéiste donc associé à un désir de démythification postérieur à la rédaction. Nous allons de ce fait considérer, dans la suite de cette étude, que les beney elohim sont des dieux, et vous verrez qu’ils trouverons leur place à merveille dans le récit.
La traduction et l’interprétation faisant des beney eloihim des anges est donc une tentative de démythification dans un soucis de remplacer des dieux d’un panthéon polythéiste par les anges servant le dieu unique. Je pense que le texte originel faisait sûrement état d’une assemblée de dieux qui devinrent des anges du fait de l’apport des commentateurs et glossateurs rabbiniques ainsi que des traducteurs grecs. Une mutation répondant à une autre, celle des nephilim est tout autant complexe,
1,3 Nephilim
Une des erreurs récurrentes commises est d’associer nephilim et gibborim alors qu’il pourrait bien s’agir de deux entités distinctes. En effet selon les traductions le sens du verset change radicalement
Dans la Tob par exemple il est dit :
« En ces jours, les géants étaient sur la terre et ils y étaient encore lorsque les fils de Dieu vinrent trouver des filles d’homme et eurent d’elles des enfants. Dans cette version les nephilim etaient présents avant que les fils de dieu ne s’accouplent aux femmes. »
Tout comme dans la Darby
« Les géants étaient sur la terre en ces jours-là, et aussi après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes et qu’elles leur eurent donné des enfants: ceux-ci furent les vaillants hommes de jadis, des hommes de renom. »
Alors que dans la Bible Second il est dit :
« Les géants étaient sur la terre en ces temps-là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu’elles leur eurent donné des enfants: ce sont ces héros qui furent fameux dans l’antiquité. »
Ou encore dans LXX :
« Or, il y avait des géants sur la terre, en ces jours-là ; car depuis que les fils de Dieu s’étaient unis aux filles des hommes, elles leur avaient enfanté ces géants, ces hommes fameux. «
Ainsi Dans la Tob ou la Darby, les bibles réputées aux traductions les plus proches des textes originaux, les nephilim existaient avant la conception des gibborim et seraient donc deux entités différentes. Alors que pour La bible Segond ou la LXX par exemple les nephilm n’apparaissent qu’après cette union et sont une causalité, ces version faisant ainsi sûrement l’erreur de l’amalgame.
Penchons nous sur l’étymologie du terme nephilim pouvant signifier soit avortons selon le sens araméen, soit violent ou destructeur si l’on se fie aux racines akkadiennes ou soit « ceux qui tombent » ou « ceux tombés » si l’on choisi l’étymologie hébraïque. Rien à voir donc avec des géants.
Si nous optons pour cette dernière étymologie, les nephlim seraient donc le peuple de ceux tombés, sans doute des guerriers qui tombèrent au combats. Ce qui ne contredirait pas l’étymologie
akkadienne qui en ferait des hommes violents et destructeurs. En résumé un peuple belliqueux de guerriers en conflit avec les hébreux.
Cette théorie se concrétise lorsqu’il est mentionné, dans le livre des Nombres (nb 13,28-29), une liste des peuples présents dans la région (les Hittites, les Jébusites et les Amorites notamment) sans doute donc les nephilim étaient l’un de ces peuples cananéen craints et de grande taille. mais rien de plus. Même si cette théorie peut être nuancé car on ne trouve pas de trace d’un peuple portant ce nom mais son emploi pourrait être qualificatif ou péjoratif et pourrait tout autant désigner un groupe de peuples réunit ainsi par leurs caractéristiques communes, et non le nom d’un peuple défini,
Mais seule la traduction au final en fait des géants.
La description dans le Livre des Nombres (nb 13-32-33) colle parfaitement à l’étymologie du terme akkadien ou hébreux.
Je pense donc que le terme Nephilim a été rajouté dans le texte de la Genèse, le terme originel étant probablement géant. Sans doute l’acte d’un des éditeur ou des traducteur pour opéré ce changement dans un soucis de démythification ce qui au final n’a que peu d’intérêt car nephilim sera à son tour traduit par géant. Il faut bien comprendre que le récit des versets 6,1-4 de la Genèse qui nous parvient n’est en rien le texte original, Un récit qui d’ailleurs est l’œuvre de plusieurs auteurs et qui est passé en de nombreuses mains qui l’ont traduit, commenté, interprété ou modifié pour en faire ce récit confus.
Ainsi le terme de nephilim à mon sens, n’a rien a faire dans le texte de la Genèse, c’est un ajout ou une interprétation. Le texte, dans son sens orignal devient plus compréhensif et s’appuie sur des références bien connues.
« Il existait des géants lorsque les dieux s’unirent au humaines et eurent d’elle des demi-dieux. »
Il s’agit exactement des protagonistes des mythes grecs où les dieux s’unirent aux humaines pour engendrer des demi-dieux afin de combattre les géants, C’est d’ailleurs la raison d’être d’Héraclès par exemple.
Quoi qu’il en soit l’hypothèse que les géants seraeint fils des dieux semble caduque,
Pour ajouter à la confusion des textes biblique diverses autres sources mélangent aisément nephilim, gibborim et géants. Mais la référence aux mythes grecs est bien présente aussi. Dans le 2nd textes des Oracles Sibyllins adopté par aucune bible, l’assimilation a la mythologie grecque est encore plus prononcée, En effet les beney elohin y sont traduits par « titants » et les gibborim par « géants » comme rephaim et titans se confondent dans le 2nd livre de Samuel. On retrouve aussi cette vision dans le livre apocryphe de Baruch ou dans le livre de Judith.
Ainsi donc les Nephilim ne seraient qu’un peuple composé de guerriers de grandes tailles comme les anakim, les rephaim ou encore les emim à qui d’ailleurs ils sont associés, et non des géant, Une exagération qui fit de ces hommes de plus forte stature que les hébreux des géants pour amplifier la puissance de l’ennemi des hébreux et rendre ainsi la victoire encore plus glorieuse. Tout comme goliath devint aussi un géant par le même procédé.
Il pourrait également s’agir d’une volonté des éclaireur effrayés pour dissuader les hébreux d’envahir la région qu’ils craignent, deux intentions différentes pour un meme procédé donc.
Mais les nephilim deviennent des géants par mythification, et trouvent donc leur place dans la Genèse au sein d’un récit polythéiste originel semblable au récit de la gigantomachie grecque.
Il s’agit d’un exercice notamment appliqué par les apocalypticiens du IInd siècle avant notre ère qui prônaient les sources originelles et donc confortaient la mythification ce que cherchèrent à contrarier les rabbins qui eux prônaient la démythification.
Ce que résume bien Cassuto ;«La Tora, au contraire, a l’intention de s’opposer aux légendes païennes et de réduire au minimum le contenu des anciennes traditions à propos des géants». Ce qui donne donc naissance à ce récit confus.
Le texte de la Genèse 6,1-4 est sûrement un ajout étiologique expliquant les causes du déluge et qui s’est sans doute nourrit, postérieurement à sa rédaction, du texte du livre des Nombres. Ainsi quand il est fait mention du terme géants dans le texte de la Genèse, c’est tout naturellement que des traducteurs le remplaceront maladroitement par nephilim, Un procédé remplaçant ainsi un terme connoté par un spécifique à la nouvelle religion.
Mais il s’agit bien in fine d’une référence au mythe de l’opposition des géants et des dieux associés aux fils qu’il eurent des mortels, les demi dieux qui parcourent les récits de bon nombre de mythologies,
2, LES GEANTS AU COEUR DES COSMOGONIES
Les géants sont des acteurs déterminants, pour ne pas dire indispensables, à de multiples cosmogonies. Qu’ils soient des démiurge (des dieux créateurs), ou opposés à d’autres dieux, ils naissent du chaos primordial et façonnent le monde.
Ainsi dans les mythes assyro-babyloniens. au commencement il n’y avait que l’abîme, l’océan primordial nommé Apsû mais aussi Tiamat l’eau salée. Concept que l’on retrouve notamment dans la Bible quand dieu divise les eaux pour créer le monde.
De l’union de Tiamat et Apsû naquirent des géants qui engendrèrent à leur tour les dieux. Ces derniers se rebellèrent ce qui incita Tiamat et Apsû à les exterminer. Mais Apsû fut défait et Tiamat, pour le venger, créa alors des êtres hideux et gigantesques. Puis Tiamat fut à son tour vaincue et tuée par un de ses descendants, Marduk, qui la coupa en deux. D’une part de sa dépouille fut créée la terre et de l’autre le ciel.
Cette cosmogonie mésopotamienne est similaire à celle grecque notamment.concernant les géants qui naquirent du sang d’Ouranos (le ciel) mêlé à la terre Gaia ou dans d’autres traditions ils étaient issus de l’union du Tartare et de Gaia. Dans la Théogonie d’Hésiode ou dans les poèmes d’Homère par exemple, le tartare est le monde souterrain primordial ou furent emprisonnés titans et géants et se confond avec le Noun égyptien, l’Apsû sumérien ou plus tardivement avec les enfers. Toujours dans la mythologie grecque avant la venue des géants d’autres créatures de taille démentielle furent issues de l’union de Gaia et d’Ouranos. Il s’agit des titans, des divinités primordiales immenses. Naquit aussi avec les titans d’autres créatures géantes, les cyclopes ouraniens (dotés d’un seul œil frontal et qualifiés « au cœur violent ») ainsi que les hécatonchires (possédant eux un grand nombre de bras et de têtes).
Une autre vision de la création du monde est issue de la division du corps d’un géant primordial, comme pour Tiamat chez les mésopotamien, et se retrouve notamment dans la mythologie nordique (germano-scandinave)
Grâce au Völuspá, un poème islandais du X-XIème siècle nous apprenons que ce vide, que nous retrouvons dans la majorité des mythologies, est pour la nordiques le Ginnungagap. Lorsque le monde des glaces et des ténèbres le Niflheim, positionné au nord de cet abîme, rencontra celui du feu et de la lumière, le Muspellheim, qui lui est au sud, naquit le premier être vivant, Ymir le géant primordial. Puis vint un autre géant Buri lui né des glaces fondues. Tous deux eurent une descendance de géants notamment ceux de Buri qui devinrent les futurs dieux Odin, Vé et Vili. Ces derniers tuèrent Ymir, Et de sa dépouille s’écoulèrent des flots de sans qui noyèrent les géants. Un seul en réchappa, avec son épouse, sur une embarcation, Une sorte de déluge originel donc. Ensuite les trois nouveaux dieux amenèrent le cadavre d’Ymir dans le Ginnungagap où ils le démembrèrent faisant ainsi de sa peau la terre, de son sang les étendues d’eau ou encore de ses os les montagnes. Il est également envisageable de rapprocher Ymir de Ilmatar la déesse géante finnoise qui modela le monde a l’aide de son corps ou, dans les légendes chinois, de Pangu, Lui aussi est un géant primordial qui scinda l’œuf cosmique en deux pour créer la terre et le ciel. Puis à sa mort sa dépouille forma également le tangible.
Pour en revenir à la mythologie nordique, souvent les géants sont des créatures primordiales donc mais aussi élémentaires à l’image des géants Surt lié au feu, Aegir le maître des océans, Mimir le sage des eaux douces, Kari associé au vent ou encore Hrungnir géants des glaces. À l’instar des cyclopes grecs tels que Brontès,(apparenté au Tonnerre), Stéropès,(aux éclairs) ou Argès,(à la Foudre). Mais également certains géants peuvent se métamorphoser comme le loup géant Fenrir ou le dragon Fáfnir,
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Les géants foulaient donc la terre aux cotés des dieux se confondant parfois même avec eux et ce bien avant la créations de l’humanité.
Comme dans le Popol vüh maya dans lequel le monde fut créé par la déesse Ixmucané ainsi que ses cinq fils géant aidés par Kukulcan le serpent à plume. Elle voulut même que ses fils géants créaient l’homme depuis l’argile. Ainsi Le monde serait initialement peuplé de géants comme dans certaines traditions africaines telles que chez le peuple touareg des Kel Tamaseq du Mali pour qui le Sahara originellement était une terre de géants, les Ijobbaren.
Tout comme l’île de Grande Bretagne qui aurait été initialement une terre de géant, le royaume de Logres des mythes arthuriens,,Ou encore comme les Ispolini de la mythologie bulgare, des géants nés avant les hommes et souvent représentés, à l’image des cyclopes, avec un œil frontal unique et parfois même avec plusieurs têtes (tels que les hécatonchires). Ils sont notamment proches des ogres des contes dans leur mode de vie, Il se nourrissent en effet de viande crue et demeurent dans des cavernes au cœur des montagnes. Une des caractéristiques communes aux géants des mythologies est qu’il sont chthoniens, c’est à dire sous terrain ou plus précisément liés à la terre et à la roche. D’ailleurs les bulgares pensaient que les amoncellement de pierres dans leur campagnes étaient leurs tombes.
De même amoncellements sont présents en Finlande où, selon les mythes locaux, ils seraient l’œuvre de géants tels que Kalewa qui passait son temps à entasser des rochers pour les balancer à tout va.
3, LE DUALISME DES GEANTS
3,1 Géants sages et détenteurs de la connaissance,
Cependant certains géants se détachent de cet aspect brut et sauvage en revêtant un comportement teinté de bonté voir de sagesse et sont parfois même porteurs de connaissance ou font office de mentor.
Prométhée en est le meilleur représentant lorsqu’il dérobe le feu sacré aux dieux pour offrir la connaissance aux hommes. Le mythe de Prométhée, récurrent dans de nombreuses mythologies, est une métaphore de l’apport de la connaissance aux hommes et ce désir constant qu’a l’homme d’accéder à la connaissance et à la divinité, comme dans la genese,. Cet Hybris donc, qui est un violent désir primaire de s’élever au delà de sa condition, est d’ailleurs la raison de l’exclusion d’Adam et Eve du jardin d’Eden ainsi qu’une des causes du Déluge biblique. Le géant personnifie cette hybris, cette part de l’homme voulant se faire plus grand qu’il ne l’est tutoyant ainsi le divin. Selon Hérodote les dieux punirent cet hybris par la nemesis, remettant ainsi celui qui veut être trop grand à sa place, Hérodote la présente ainsi :
« Regarde les animaux qui sont d’une taille exceptionnelle : le ciel les foudroie et ne les laisse pas jouir de leur supériorité ; mais les petits n’excitent point sa jalousie. Regarde les maisons les plus hautes, et les arbres aussi : sur eux descend la foudre, car le ciel rabaisse toujours ce qui dépasse la mesure. »
Il nous est permis de rapprocher cette notion de la condition des géants du fait de leur taille et de leur puissance ainsi que de leur opposition au divin, que nous allons étudier sous peu.
Nous trouvons un autre détenteur de la connaissance en la personne de Bran le Béni, un des géants et grands héros du cycle épique gallois le Mabinogion. Bran était une divinité de l’Autre-Monde le roi de toute l’île de Bretagne et le maître de vie et de mort car possesseur du chaudron de résurrection et de connaissance. Quand sa sœur fut maltraitée par son époux Bran rejoignit l’Irlande afin de lui porter secours, faisant même office de pont pour ses troupes. De retour chez lui, empoisonné, il demanda à ce qu’on lui coupât la tête afin que celle-ci puisse protéger l’île de Bretagne. Étant immortel, sa tète continua de parler comme la tète de Mimir, géant et dieu nordique de la sagesse et de la mémoire. Sa tête décapitée et ressuscitée par Odin le conseilla puis elle protégea enfin une source sous l’arbre vie Yggdrasil.
En ce qui concerne le mythe du géant passeur il est présent dans de nombreuses traditions. Comme lorsque Bran fit office de pont pour ses troupes, le géant Offerus lui fit traverser des villageois. Offerus, qui deviendra Saint Christophe dans la tradition chrétienne, était un géant bienveillant qui avait pour souhait de servir le plus grand des roi mais, ne le trouvant ni parmi les hommes ni même en la personne du diable, il se tourna ainsi vers le choix de Jésus. Pour en devenir le serviteur un herminé lui conseilla d’aider les gens à traverser une rivière infranchissable. Alors, nuit et jour, il porta hommes et femmes sur ses épaules pour les mener d’une rive à l’autre jusqu’au jour ou un enfant grimpa sur son dos. Celui-ci était d’un poids dépassant tout ce que le géant n’avait jamais porté. Arrivé difficilement sur la rive opposée, son passager lui dit qu’il venait non seulement de porter sur ses épaule le monde mais aussi son créateur. Puis Jésus Christ baptisa Offerus qui devint Christophe (le porteur de Christ). Selon la même tradition chrétienne Saint Christophe enseigna la parole du Christ et fut porteur de connaissance lors de ses voyages. Cette légende peut être rapprochée de celle d’Atlas, le titan condamné par Zeus à soutenir sur ses épaules la voûte céleste et de fait le poids du monde.
3,2 Géants malveillants
Cependant, comme toute chose à son opposé, de nombreux géants sont malveillants ou tout du moins font l’objet d’une dualité entre création et destruction. Cette idée se retrouve chez les géant Assilki du folklore et de la mythologie russes. Ils sont animés d’une force créatrice mais également destructrice et s’opposent volontiers aux dieux par arrogance. Tout comme dans le mythe géorgien d’Amirani, où le géant éponyme revêt cette même dualité.
Mais d’autres sont tout bonnement habités par de mauvaises intentions à l’instar du géant nordique Loki « le comploteur » ou encore Apophis. Ce dernier est une divinité géante égyptienne personnifiant le chaos et le mal souvent représentée comme un serpent géant. Il cherche à stopper la course du soleil représentée par le dieu Ré voguant dans une barque sur le fleuve Noun (le chaos). Chaque nuit a lieu ce combat et voit la victoire de Ra entraînant le lever du soleil le jour d’après. Ce mythe est à l’image des géants aborigènes d’Australie Yunggalya et Namurudu qui eux aussi stoppent la course de l’astre. Ces récits sont semblables à la légende de Kuafu, géant chinois, qui poursuivait le soleil qu’il voulait conspuer,
Quoi qu’il en soit les géants semblent impacter le conflit entre les hommes et les dieux tout comme ils les affrontent directement, ce qui mènera à leur extermination.
4, OPPOSITION ENTRE DIEUX ET GEANTS
Dans la quasi totalité des mythologies, les géants sont au cœur des cosmogonies, comme nous venons de le voir, tout en incarnant le chaos primordial en lutte perpétuelle avec l’ordre divin.
Deux épisodes dans la mythologie grecque traitent de cette opposition des géants d’avec les dieux. Le premier est la Titanomachie qui nous narre comment les géants primordiaux, que sont les Titans (dont Cronos, Ocean, Hyperion ou Japet ), sont renversés par Zeus et ses alliés
4,1 La Titanomachie
La Titanomachie est proche du Déluge biblique et du mythe des nephilim. Certaines sources apocryphes d’ailleurs n’hésitent pas à faire l’amalgame entre beney elohim et titan ou entre gibborim ou nephilim et géants faisant ainsi un lien direct avec le mythes grecs.
Nous pouvons également mettre en exergue la racine commune entre satan et titan une corrélation soutenue par certains historien comme Daniel E. Gershenson. Titan en grec signifie «celui qui réside dans les cieux » tel que les anges donc dont fit parti Satan, Une hypothèse étayée par le fait que titans et anges déchus, comme satan, finirent prisonniers du tartare car tous s’opposèrent au divin.
Pour en revenir à la Titanomachie, tout commence lorsque Cronos, un titan, émascule son père Ouranos (dieu primordial du ciel) sur ordre de sa mère Gaia (déesse primordiale de la terre), Celle-ci en veut à Ouranos d’avoir enfermé leurs enfants, les cyclopes et les hécatonchires, dans le Tartare. En effet Ouranos les avaient bannis car leur aspect l’horrifiaient mais aussi par crainte de leurs intentions. Il faut admettre que d’avoir pour fils des géants difformes avec un seul œil comme les cyclopes et d’autre avec plusieurs têtes et bras comme les hécatonchires, peut rendre un père disons… caractériel!
Naquirent de ce sang d’Ouranos mêlé à la terre les géants qui joueront un rôle plus tard dans le récit,
Cronos régna alors à son tour mais craignait d’être lui aussi renversé par sa progéniture (qu’il eut avec sa sœur Rhéa), C’est pourquoi il dévora ses enfants (Poseidon, Hadès ou Héra), Mais Zeus en réchappa et combattit alors son père Cronos et les titans. Donc pour résumer, Cronos émascule son père, épouse sa sœur et mange ses enfants qu’il a avec elle. Vos conflits familiaux devraient vous paraître bien plus futiles désormais..
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Lors de son combat contre les titans, Zeus fut aidé par ses frères et sœurs régurgités par Ouranos ainsi que par les cyclopes et les hécatonchires qu’il libéra du Tartare. Cronos et ses frères titans alliés sont ainsi vaincus et envoyés à leur tour dans le Tartare. Les dieux olympiens furent désormais établis et régnèrent sur le monde qu’ils se partagèrent depuis l’Olympe. Nous pouvons noter également le sort réservé à deux frères titans, Atlas et Prométhée, fils de Japet et dont les destins peuvent être rattachés à le Genèse et à la tradition biblique.
Atlas se vit puni par Zeus en devant soutenir la voûte céleste sur ses épaules comme nous l’avons précédemment vu. Mais ce titan apparaît également lorsque Héraclès voulut dérober des pomme d’or du fabuleux jardin des Hespéride, épisode qui rappelle celui du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal dérobé dans le jardin d’Eden.
Promethée pour sa part donna vie à l’humanité en partant de la boue., (ceci nous est notamment transmis par la Bibliothèque d’Appolodore, texte du IIeme siècle avant notre ère), Puis Athéna, qui naquit en jaillissant de la tête de Zeus, introduisit le souffle de la vie dans ces corps d’argile. Cela ne vous rappelle rien ? La création d’Adam et Eve en effet. Qui plus est, Prométhée déroba aussi aux dieux « le feu sacré » et enseigna le savoir sacré aux hommes comme ceux ci dérobèrent le fruit de l’arbre du bien et du mal.
A l’image d’un autre épisode biblique, Zeus voulut détruire l’humanité dans un déluge. Mais il épargna Deucalion, fils du titan Prométhée comme Dieu épargna Noé.
4,2 La Gigantomachie
Survient alors la Gigantomachie, le second épisode grec traitant de la confrontation entre les géants et les dieux, Selon Appolodore et Hésiode, Gaia fut outrée du sort réservé par les dieux olympiens à ses fils les titans..Elle envoya donc ses autres fils, les géants, pour combattre les nouveaux dieux. Parmi eux les plus fameux sont Eurymédon, Alcyonée ou encore Porphyrion, Ces créatures étaient dotées d’une force et d’une taille exceptionnelles ainsi que de l’immortalité faces aux nouveaux dieux, Ils ne pouvaient en effet être défaits que par des êtres hybrides comme eux. C’est pourquoi Zeus s’accoupla avec la femme mortelle Alcmène afin de donner naissance a Héraclès, un demi dieu.
Héraclès, secondé de Dyonisos (lui aussi demi-dieu de naissance) et assistés des dieux olympiens, est victorieux face aux géants. Ces derniers tiraient leur force de la terre-mère à l’instar d’Alcyonée qui était invincible sur sa terre natale d’où l’extirpa Héraclès afin de l’occire.
Puis vint l’épisode de clôture de cet affrontement où Typhon, ultime création titanesque de Gaia, sera détruit par Zeus scellant ainsi la chute du chaos face à l’harmonie cosmique du divin,
Soulignons l’aspect titanesque de Typhon représenté avec des jambes faites de serpents ou avec plusieurs têtes de serpents, une sorte de croisement entre un hécatonchire et l’Apophis égyptien. Aussi, Typhon est immense, touchant de ses mains les deux pôles terrestres en même temps et sa tête atteignait les cieux. Une description identique à celle que feront des textes rabbiniques lorsqu’ils décrieront le premier homme Adam.
Le combat est cataclysmique, les protagonistes se lançant littéralement des montagnes ou des îles en pleine face ! Typhon finissant même sous le volcan Etna, tout comme Athéna avait projeté la Sicile sur le géant Encelade (qui fini lui aussi d’ailleurs sous l’Etna), Nous observons le même processus avec le démon géant maya Zipacna qui, lui aussi, finit ensevellit sous une montagne qu’il se vantait d’avoir créée. Il s’agit en fait d’un mécanisme étiologique figurant dans bien d’autres récits de part le monde
4,3 L’universalité du conflit
Cette même bataille cosmogonique nous parvient au travers des géants nordiques, les jötunn parfois appelés trolls, Ils sont nés de Ymir lui même géant primordial qui fut saigné et jeté dans l’abîme par Odin (ici le Ginnungagap) comme Ouranos le fut par Cronos (dans le Tartare). Odin qui d’ailleurs fut un géant lui aussi avant de devenir un dieu.
Les jötunn sont, comme les gigantes grecs ou les géants biblique, opposés à l’ordre divin, ici représenté par les Ases (dieux d’Asgard sous l’égide d’Odin). Les géants se mêlent alors aux dieux et en deviennent les ennemis pour la plupart (Loki en étant le plus fameux), Ils sont également parmi les forces du chaos qui mèneront à la fin du monde comme nous le verrons plus tard.
Ce conflit cosmogonique est identique chez les finlandais quand les géants Hattarat s’opposent aux cieux tout autant que dans les épopée hindous où les Adityas, Daityas et Danavas sont des géants descendants des divinités et sont soit leurs alliés soit des démons leurs adversaires.
Nous pouvons également citer, pour illustrer cette opposition, les Aloades grecs qui sont deux frères géants, Otos et Éphialtès, fils de Poséidon. Ils tentèrent de rejoindre l’Olympe en érigeant des montagnes tout en harcelant Artemis. C’est pourquoi Zeus les enchaîna dans le Tartare où ils y furent soumis à de multiples supplices,
Ainsi donc le géant, être chthonien et doté de la force brute, s’oppose aux dieux céleste détenteurs eux de pouvoirs éthérés. De plus dans les théogonies on observe que les géants, fréquemment des anciens dieux, sont systématiquement renversés par les nouveaux dieux, une notion que l’on retrouve partout où le moderne supplante l’ancien. « Place aux jeunes » comme aurait dit ma grand mère ! Si l’on se réfère à une interprétation psychologique il s’agirait du meurtre du père mais aussi du cycle d »évolution et d’élévation spirituelles. Peut être également adjoint à ce parricide primordial, le rejeton du divin et du mortel, des demi-dieux parfois même confondus avec des géants comme dans la Bible.
4,4 Les demi-dieux, l’entre-deux,
Si Nous avons souligné la confusion dans gn 6.4 nous pouvons néanmoins comparer cet épisode nébuleux à d’autres récits mythologiques où des dieux se liant à des humains donnent naissances à des demi-dieux comme dans la Bible les gibborim, mais aussi des géants comme les nephilim et parfois même un hybride des deux,
L’apparition des géants bibliques se fait donc en plein chaos alors que l’humanité devient de plus en plus violente et mauvaise. Certains y détectent une causalité selon laquelle les beney eloim s’unirent aux mortels et enfantèrent des géants qui corrompirent l’humanité. On retrouve un épisode similaire chez les perses par exemple.
Dans de nombreuses croyances ces unions donnent naissance à des philosophes, des monstres, des démons ou encore des héros comme dans la Bible. Dans la mythologie assyro-babylonienne les démons naissent de l’union du ciel et de la terre, du divin et du mortel donc, mais des demi-dieux comme Gilgamesh naissent aussi de cette collusion . ce qui peut engendrer un imbroglio. Car rappelons le, l’Ancien Testament s’inspire très fortement de ces mythes assyro-babyloniens.
En ce qui concerne Gilgamesh, on apprend notamment qu’ il tua le géant Humbaba, gardien de la forêt de cèdres, ce qui attira sur lui le courroux des dieux. Gilgamesh est d’ailleurs décrit comme géant dans le « livre des Géants » relatant l’histoire des géants antédiluviens (texte issu des manuscrits de la mer morte),
Il serait le fils d’un démon ou de la déesse Ninsun (selon l’épopée qui lui est consacrée) et d’une mortelle,
Mais le plus fameux des demi-dieux est sans nul doute Héraclès, Dans la mythologie grecque (et romaine sous le nom d’Hercule) il ne cesse d’être l’artisan d’exploits surhumains tout en étant au centre, nous l’avons vu, du conflit giganto-divin.
Ces demi-dieux, « héros et hommes de renom » comme les gibborim se retrouvent aussi chez les ossetes du Caucase sous le trait des Nartes et dans la quasi totalités des mythologies du monde, Ils sont souvent, à l’instar des géant, ces être hybrid, mi divin mi terrestre, sorte d’adolescent rebelles face à l’ordre divin établit cherchant à le renverser,
4,5 Les géants, premier rôle dans les récits eschatologiques,
Puis Les géants sont souvent exterminés après ces batailles épiques, même si parfois une poignée d’entre eux survit. En ce qui concerne ceux de la Bible, le Livre de la Sagesse, XIV. 6 et le livre de L’Ecclésiastique XVI, 8, nous parlent des géants pris dans les eaux du déluge. (Ces deux textes ne sont adoptés que dans la version catholique de la bible)
Mais ces même géants vaincus réapparaissent dans de multiples textes eschatologiques où ils sont les acteurs de l’ultime affrontement avec les dieux instaurant un chaos pour renverser l’ordre établit. Ainsi, dans le Ragnarök, épisode présent dans les edda poétiques relatant la fin du monde chez les nordiques, les géants, menés par Surt géant du feu destructeur, marcheront une ultime fois contre les dieux. De ce combat cataclysmique ne survivront qu’une poignée de dieu et un couple d’humain, une sorte de Genèse inversée qui traduit du renouveau après la catastrophe. A noter que ce récit est sans doute inspiré de l’apocalypse chrétiennes ainsi que de mythes païens,
Le Ragnarök se rapproche en effet de l’apocalypse selon Saint Jean dans la Bible où Satan marchera vers Dieu accompagné de Gog et Magog. Initialement Gog est le roi du territoire de Magog en conflit avec les hébreux puis devint un géant Gogmagog dans la mythologie britannique pour au finale jouer le rôle de la métaphore de l’antéchrist dans l’apocalypse. Cette évolution traduit ce qui se fait souvent, partir d’un fait réel historique qui par exagération devient une légende et par assimilation à un plus vaste domaine devient un mythe. Cette évolution parfois aboutie à un amalgame, comme le texte de le Genèse qui au demeurant est un syncrétisme c’est à dire une Fusion de différents cultes, ici les mythes mésopotamiens et grecques relayés par les auteurs et traducteurs. Il s’agit également d’un récit étiologique dont le but est de démontrer la distinction entre le divin et l’humain, le divin n’appartenant qu’a Dieu. La caractère étiologique est le principal attribut des mythes et légende qui cherchent à expliquer ce que les rédacteurs constatent. Ce qu’aujourd’hui nous expliquons par la sciences autrefois nous l’expliquions grâce à des légendes allégoriques.
5, LES GEANTS PERSONNIFICATION DU BARBARE
5,1 le peuple nephilim
Pour en revenir à la Bible, le terme de géant remplaçant celui de nephilim se révèle dans un second et ultime texte du livre des Nombres (13,32-33)
Et ils se mirent à décrier devant les fils d’Israël le pays qu’ils avaient exploré : « Le pays que nous avons parcouru pour l’explorer, disaient-ils, est un pays qui dévore ses habitants, et tous les gens que nous y avons vus étaient des hommes de grande taille. 33 Et nous y avons vu ces géants, les fils de Anaq, de la race des géants ; nous nous voyions comme des sauterelles, et c’est bien ainsi qu’eux-mêmes nous voyaient. » Nb 13.32-33
On y apprend que Moise envoie des éclaireurs au pays de Canaan pour préparer son invasion. L’un d’eux revenu, lui rapporta qu’ils y rencontrèrent les nephilim et descendants d’Anak. qui tous les surpassaient largement en taille.
« Et nous y avons vu ces nephilim, les fils de Anaq, de la race des nephilim »
Encore une fois nephilim est remplacé par géants et ce dans la quasi totalité des traductions comme dans le texte de la genese, sûrement en association ici avec la mention que les hébreux étaient comme des sauterelles face aux nephilim, Ceci est accentué par le verset précédent qui parle d’hommes de grandes taille dans la région.
Ensuite dans ce texte les nephilim sont associés aux descendants d’Anak. Qui est donc ce personnage ?
En grec ancien le terme anax désigne un seigneur de guerre, un roi tribal ou encore il désigne le nom d’un géant primordial dans la mythologie grecque.
Ceci trouve écho dans la tradition où Anak est apparenté au géant Og,.
Og appartient au peuple des rephaim et est un ancien roi amorrite de Bashân d’une grande taille (avoisinant les quatre métrés selon Deutéronome 3,11). Il serait également un géant sans doute un nephlim ayant survécu au déluge en grimpant sur le toit de l’arche de Noé (selon le Midrash qui est l’ensemble des textes rabbiniques interprétant des épisodes de la bible hébraïque)
Ses descendants, les Anakim, font partie des rephaïm, peuple du géant Og. Les rephaim qui qui d’ailleurs dans la Bible grecque la LXX (septante), dans le livre 2 Samuel 18.28 sont traduis par « titans », encore un amalgame donc,
Josué 11,21-22 nous apprent que les anakim sont pour la plupart exterminés par les hébreux et frappés d’anathème, comme les nephilim le furent par le déluge .Et enfin Ils sont mentionnés dans les textes d’exécration égyptiens (proches de sorts de malédiction) et dans le papyrus « Anastasi I », dans lesquels ils sont là aussi qualifiés de géants,
Nous pouvons Tout autant, envisager une parenté étymologique des anakim avec les dieux mésopotamiens Annunaki nés du dieu ciel Anu, Mais aussi du fait que ceux-ci sont souvent représentés de haute taille. Certains verront même une corrélation entre Anak et Enki un de ces dieux annunaki.
Il apparaît ainsi que des peuplades parmi les cananéens ou les philistin possédaient des hommes de plus haute statures que les hébreux (rephaime, anakim ou nephilim) revêtant ainsi une aura mythique de géants a l’instar du prophète Amos qui évoque les guerriers Amoréens « dont la hauteur égalait celle des cèdres, et la force celle des chênes » (Amos 2,9)
5,2 Des nations de géants
Il est également possible de rapprocher ce constat à des légendes d’autres peuples tels que les patagons (grands pas) qui donnèrent leur nom à la région argentine de la Patagonie. Cette légende d’indigènes géants est le fruit de témoignages de colons européens comme Magellan. Ils auraient été des hommes mesurant dans les trois mètres et couverts de fourrure, ce qui traduit le coté primal des géants. Mais encore une fois il s’agit d’exagérations face à un peuple d’hommes sûrement de grande taille mais dont l’aura sauvage et guerrière les grandissait de façon légendaire. En effet la peur de l’inconnu met à mal la raison d’un grand nombre d’individus.
Ceci transparaît pour les Massaï d’Afrique de l’est perçus par d’autres tribus comme des géants tout comme dans la tradition orale des paiutes (peuple amérindien de l’ouest Américain). Dans une de leurs légendes sont mentionnés des géants à la peau blanche et à la chevelure rouge guerriers et mangeurs d’hommes, Certains y verront la description de l’opposé des paiutes, donc une incarnation du mal, alors que d’autre avanceront l’hypothèse qu’ils furent en contact avec des peuplades vikings.
Dans la même perspective nous pouvons citer Gog et Magog que nous avons précédemment abordés comme étant à l’origine du géant Gogmagog. Dans la bible (Ezéchiel 38-39) il s’agit d’un un roi belliqueux s’opposant aux hébreux et d’un territoire qui lui est associé, Puis dans l’apocalypse de Jean (20.7) ils personnifient l’antéchrist et enfin dans le coran au verset 97 de la sourate 18 ils sont deux peuples corrompus. Rajoutons à cela que beaucoup assimilent Gog et Magog aux scythes, ce peuple envahisseur des contrés du nord. Gog et Magog représentent en fait ici les ennemis de Dieu, les barbares ou le désordre du chaos à l’instar des géants dans la mythologie grecque.
En ce qui concerne le texte du livre des nombres que nous venons d’étudier, il s’inscrit dans un désir d’énoncer la force et la puissance des ennemis en amplifiant ainsi leur stature pour démontrer la valeur des hébreux à les combattre. De plus nous retrouvons cette même exagération dans l’épisode voyant David combattre le philistin Goliath, haut de 2m80 selon la bible (mais mesurant moins de deux mètres dans 1 Samuel) En effet il est toujours plus glorieux de combattre un ennemi qui nous surpasse,
Le même mécanisme apparaît dans l’affrontement de Roland et du géant Ferragut, (dans la chanson de Roland chanson poetique et épique du XIe s) . Dans la légende ce géant aurait été le descendant de Goliath et aurait été envoyé par l’émir de Babylone afin de combattre l’armée chrétienne de Charlemagne, donc encore une fois cette opposition des païens/barbares et des fidèles de Dieu.
Si besoin est, rajoutons les Harla des géants oisifs et hérétiques qui en Éthiopie personnifiaient sans doute les populations islamisées (selon Jean-loic Le quellec et Bernard Sergent dans le Dictionnaire critique de mythologie).
Cependant la métaphore du peuple géant parfois à pour but de glorifier ce peuple comme dans les mythes basques, et plus généralement pyrénéens, où les Jentilak sont des géants bienfaisants personnifiant la force et la bravoure basque.
5,3 Le géant figure de transition sociétale
Une autre personnification du géant est l’épreuve du rite de passage pour les jeunes héros.
En effet dans de nombreux récits le premier adversaire de ces héros en devenir est soit un géant ou soit un guerrier d’imposante carrure.
On retrouve ainsi ce rite initiatique dans le combat de David, futur roi, contre Goliath dans la Bible, – Tout comme dans l’opposition au sein de la mythologie grecque,de Nestor et d’Ereuthalion, ou d’Héraclès et les gigantes, – Mais aussi dans l’affrontement de Tristan et Morholt (dans la légende de Tristan et Iseult au XIIème siècle) – Ou encore de Siegfried combattant le géant Fáfnir métamorphosé en dragon (dans la légende germanique de l’Anneau des Nibelungen) – De même que le jeune roi Arthur qui combattit et vainquit le régicide géant aux barbes et assit ainsi son accession au trône. – Tout comme son prédécesseur Brutus avait conquit l’île de Bretagne nommée Albion en y exterminant tous les géants, Albion qui d’ailleurs dans la mythologie grecque est un géant,
Mais La liste est très longue, le géant ici représente la transition du primitif à un état supérieur, mais également de l’état d’enfant à celui d’homme, de simple mortel au héros ou d’homme commun à celui de roi. Démontrer ainsi sa valeur pour prouver le mérite de ce nouvel état. Mais les géants symbolisent aussi la victoire de l’acquis sur l’inné, de l’évolution sur un passé primitif révolu à l’instar du parricide originel.
5,4 Le géant anthropohage
Mais aussi, parfois, les géants revêtent un aspect de glouton ou d’anthropophage comme lorsqu’il est dit dans le livre des Nombres que le pays des anakim dévore ses habitants. Comme il s’agirait d’un pays de géant, métaphoriquement nous pouvons tisser ce lien. Des géants dévoreurs d’hommes donc comme le cyclope Polyphème dans l’Odyssée d’Homère, les Rakshasa dans les légendes hindous ou les Yak chez les khmers. A l’instar également de Cronos dévorant sa progéniture ou encore du célèbre ogre des contes qui dévore les enfants et qui pourrait personnifier les Hongrois.
Pareillement, Au chapitres 7 et 8 du livre des veilleurs, les géants dévorent tout avant le déluge. Le livre des veilleurs est un des cinq livres formant le corpus du livre d’Henoch qui n’est adopté que par l’Église orthodoxe éthiopienne. En fait il s’agit d’un énième syncrétisme de traditions et mythes cananéen ou sumériens.
Ensuite une concordance s’établit entre les géants nourris par les homme et les Annunaki, Ces derniers sont des divinités géantes elles aussi nourris par les hommes qu’elles créèrent d’ailleurs dans ce but. Ce procédé est en effet présent dans le mythe de l’Athrahasis le texte mésopotamien fondateur du déluge biblique,
Enfin un récit similaire nous est transmis au travers des légendes alsaciennes. Dans l’une d’elles des géants résidaient dans le château du Nideck. Un jour la fille de l’un d’eux rapporta chez elle des hommes, pensant qu’il s’agissait de poupées vivantes. Alors son père la réprimanda lui expliquant qu’il s’agissait d’êtres humains qui cultivaient la terre pour les nourrir.
Le mythe du géant glouton ou anthropophage est sans doute une métaphore de peuples ou de dirigeants voraces en ressources ou dominateurs. Quoi qu’il en soit on observe une domination d’un être supérieur, ici métaphoriquement par la taille, qui s’exerce sur un autre qui travaille pour sa subsistance et qui lui est inférieur, en résumé un système féodal.
6, LES VESTIGES DES GEANTS
Les géants, dans de nombreuses cultures, sont également la personnification de la force créatrice et dévastatrice de la nature. La Chaussée des géants en Irlande en est un bon exemple.:Selon la légende il s’agirait du résultat de l’affrontement entre deux géants. Un géant irlandais voulant rejoindre un géant écossais pour le combattre, aurait ainsi modelé les roches afin de créer un passage de son île vers l’Écosse.. Alors qu’il ne s’agit en fait que d’une anomalie géologique résultante de l’éclatement du basalte après refroidissement de la lave. Une même assimilation est observable dans le mythe de Kuafu que nous avons déjà approché. Il est un géant colossal de la mythologie chinoise doté d’une vélocité prodigieuse et poursuivant le soleil. Mais en se rapprochant de l’astre le géant mourut de déshydratation après avoir pourtant englouti des rivières entières. De son bâton, dit-on, jaillit une forêt d’arbres fruitiers prompts à l’ombrage et à la désaltération. Une autre manifestation naturelle attribuée a des géants est lorsque Apophis est victorieux apparaît alors une éclipse solaire.
De plus les géants expliqueraient les phénomènes naturels violents et dévastateurs comme les tempêtes, raz de marée ou les éruptions volcaniques, à l’instar de Typhon et Encelade qui qui donneraient vie à l’Etna
Une myriade de montagnes seraient d’ailleurs la création de géants, voir même leur dépouille, Comme lorsque Atlas refusa l’hospitalité à Persée, ce dernier le pétrifia en lui montrant la tête tranchée de Méduse, le transformant ainsi en un massif qui porte son nom – le massif de l’Atlas (qui s’étend au sud du maghreb). Nous pouvons aussi citer la montagne de la Table prés de la ville du Cap en Afrique du sud. Une ancienne légende cosmogonique nous narre qu’une divinité, Qamatha, fut aidée par quatre géants pour combattre un dragon empêchant la création du monde. Une fois le dragon vaincu les géants furent changés en pierre et l’un d’eux Umlindi Wemingizimu devint cette montagne.
Et enfin sont attribué aux géant les amoncellements de roches ou les pierres levées telles que les mégalithes. De nombreux géants seraient a l’origine de ces monuments, les ispolini, les hattarat ou encore kalewa pour ne citer qu’eux, C’est une vision qui perdure encore aujourd’hui quand certains octroient aux géants l’érection de Stonehenge par exemple.
Il faut bien considérer l’impact psychologique sur ces hommes d’autrefois exposés à des phénomènes météorologiques dévastateurs qu’ils ne pouvaient expliquer, ou face à des anomalies géologiques ou des pierres colossales déplacées. La même incompréhension s’impose lorsque certains d’entre eux rencontrèrent des individus d’une taille anormalement élevée comparée à la leur Ces personnes revêtaient ainsi une aura mythique, comme lorsque les amérindiens virent débarquer les conquistadores, ces guerriers imposants couverts d’armures étincelantes. Imaginez donc la panique d’un berger hébreu d’il y a 3000 ans au centre d’un terrain de basket de la NBA!
D’un point de vue purement scientifique, aucune trace probante de l’existence de géants n’a été avérée. Certains, s’appuyant notamment sur des preuves falsifiée, fantasment, rapprochant ainsi des constructions antiques dites cyclopéennes de par leur taille démesurée à une civilisation de géants. Comme si dans 5000 ans des individus découvraient nos cathédrales ou nos monuments aux dimensions immenses et concluaient que nous étions des géants.
CONCLUSION
Les géants sont la personnification du chaos originel dans les cosmogonies et de la force primordiale de la nature qui s’oppose à l’ordre et à l’harmonie du divin.Les géants dévorent tout comme le chaos et la force destructrice de la nature dévorent tout également, Ils sont la force brute, le physique et le matériel. Mais comme mythes légendes et histoire parfois se confondent on observe que le géant représente souvent un peuple considéré comme hostile puissant et dévastateur ou un peuple dont les membre ont une forte constitution ou qui s’opposent au divin local, Tout n’est donc qu’une question de perspective.
L’homme est coupable de l’hybris dans la Genèse et lors de l’érection de la tour de Babel cherchant à se faire plus grand qu’il ne l’est au risque d’attirer la foudre des dieux, et ce littéralement, comme le firent les géants mythologiques . Métaphorique, le géant serait ainsi une part de l’homme, tout comme les dieux d’ailleurs. Les géants serait donc cet hybris, ce désir dévastateur de s’élever au delà de sa condition dans une quête perpétuelle de connaissance et de divinisation que certains aimeront à comparer à la science moderne,
Le géant est aussi la part physique, bestiale et violente de l’homme, cette expression primaire née du chaos autant créatrice que destructrice. Si les géants fascinent et nourrissent autant nos traditions, mais également les fantasmes de certains cryptozoologues ou théoriciens du complot, c’est du fait que cet être personnifie notre condition et qu’il fait le pont entre humanité et divinité. C’est pourquoi le géant occupe une place de choix dans le folklore et la tradition que ce soit dans les récits les contes ou la culture populaire
que retranscrivent Gargantua de Rabelais, Jack le tueur de géants, ou encore les Voyages de Gulliver . Le combat contre le géant est souvent philosophique, un rite de passage ou une métaphore d’un passé révolu comme dans le manga japonais l’Attaque des titans ou le jeu vidéo Shadow of the collossus.
Mais ces titans et géants existent bien et ils vous sont même accessibles, Pour cela,il vous suffit juste de lever les yeux au ciel car la majorité d’entre eux donnèrent leur nom à des satellites naturels ou des planètes.
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